Les Etats-Unis ont finalement fini par inventer la machine à voyager dans le temps. Mais pas pour voyager dans le futur, plutôt pour revenir dans le passé. L’un comme l’autre vous me direz, peuvent être qualifiés de catastrophiques… Ce pays qui se prend pour le meilleur du monde et qui souhaite que le reste du monde suive son exemple vient de faire un immense pas en arrière en matière de droit des femmes, d’égalité et de patriarcat. Honte à eux !
Comment en 2022 peut-on encore vouloir interdire l’avortement pour les femmes alors qu’elles se sont battues pendant des décennies pour l’obtenir finalement qu’en 1973 ? Comment le système « démocratique » américain peut-il revenir en arrière sur ses propres textes ? Alors que dans les autres pays du monde où l’IVG est autorisée, encadrée et pratiquée, les conditions de vie des femmes se sont nettement améliorées.
Simone de Beauvoir avait donc bien raison : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. » Et tiens donc depuis quelques temps, la crise est à la fois politique, économique et religieuse : tiercé gagnant! Regardez en Afghanistan où les filles et les femmes sont interdites d’école, de travail et où les talibans veulent réimposer la burka après moins d’un an de reprise de pouvoir. Quel est ce besoin de nous enfermer ? nous dominer ? nous humilier ? Quel est donc ce Dieu qui souhaite tant réprimer l’autre moitié de l’humanité ?
Est-ce que pour les Etats-Unis aussi, ce retour en arrière est une question de religion ? De vision pro-vie comme le gouverneur de l’Oklahoma en début de mois a proclamé après la signature de la nouvelle loi anti IVG de son Etat dont il est si fier : « Je veux que l’Oklahoma devienne l’Etat le plus pro-vie dans le pays ». Et il n’est malheureusement pas le seul… Certains Etats du sud des Etats-Unis ont ces dernières années déjà restreint le droit à l’avortement, comme au Texas en 2021 où l’avortement est devenu interdit après 6 semaines de grossesse. 6 semaines ? Mais au bout de 6 semaines, la plupart des femmes ne savent même pas qu’elles sont enceintes !
l’Alabama en 2019 a interdit l’avortement même en cas de viol et d’inceste et condamne les médecins à de lourdes peines de prison pour ceux pratiquant ces interventions. L’inceste et le viol n’existent peut-être pas aux Etats-Unis ? Ou peut-être « qu’elles l’avaient bien cherché », « qu’elle ont provoqué l’acte » … Ou encore que c’est « Dieu qui le voulait » … Non mais réveillez vous les gars ! Dieu n’existe pas, ce sont les hommes qui sont responsables de leurs actes et de ce qu’ils infligent aux autres, ce n’est pas « écrit » quelque part à l’avance. C’est trop facile de se déresponsabiliser de ses actes et de mettre toute la charge sur la femme en cas de fécondation non désirée…
Et puis pensons-y : notre planète est en feu et nous sommes déjà trop nombreux, alors à quoi bon vouloir faire naître à tous prix des enfants non voulus et dans de mauvaises conditions ? Car rappelons-le si les femmes avortent, c’est qu’elles ne peuvent/veulent pas de ce futur enfant pour de multiples raisons. La science s’est développée pour réguler la natalité et pour nous donner de meilleures conditions de vie. Alors que cherchent-ils donc ? A nous (re)plonger encore plus dans la misère ? A baisser notre espérance de vie? D’ailleurs depuis 2019, elle chute chaque année aux Etats-Unis… Ou c’est peut-être juste que la population vieillit et qu’ils ne veulent plus faire appel à l’immigration?
Le clivage américain est déjà énorme entre républicains et démocrates. Si chaque Etat peut de nouveau décider de la légalité de l’avortement et de ses conditions, bien sûr qu’il y aura des états où se sera le cas, comme la Californie ou ceux de la côte nord-est. Mais pour les autres Etats, comment cela va se passer ? Ces textes de loi n’empêcheront malheureusement pas les femmes de passer à l’acte car cela s’est toujours fait, mais dans la clandestinité et dans de mauvaises conditions. Les femmes qui auront les moyens pourront le faire, les femmes n’en ayant pas ne pourront pas (ou le feront avec un cintre, elles-mêmes, au risque de se tuer). L’argent est et restera le nerf de la guerre, et n’oublions pas que ce sont les Etats-Unis, pays où tout se monnaye déjà (sang, sperme, etc) et où le prix des traitements médicaux sont aux mains des groupes pharmaceutiques et non de l’Etat.
Mais je me demande : ces personnes qui veulent renverser la vapeur, sont-elles assez stupides (ou dans leur monde) pour croire que nous recourons à l’IVG comme on peut manger des bonbons pour remplacer un moyen de contraception ? En mode : « Oops, j’ai oublié ma pilule. Pas grave le doc du coin va pouvoir m’arranger l’affaire ! » Ou peut-être qu’ils-elles pensent que c’est un choix super facile à faire ? Que nous ne réfléchissons pas avant d’y avoir recours ? Nan mais sans blagues ! Et que se serait ainsi un moyen de punir toutes ces femmes qui ne réfléchissent donc pas assez avant d’avoir un rapport sexuel. Parce qu’eux, bien sûr, pèsent toujours le pour et le contre avant chacun de leurs rapports sexuels…
Il ne fait pas bon d’être américaine aujourd’hui et si je vivais aux Etats-Unis, je réfléchirais sérieusement à changer de bord. Ou à déménager plutôt, plus facile à faire.
Et en Europe on s’en sort comment ? Eh bien sur 27 pays, on peut pratiquer l’avortement dans 24. Et oh surprise, la Finlande fait partie de ces pays où il y a des conditions pour l’avortement, contrairement à la France. Il est complètement interdit à Malte et fortement restreint en Pologne. L’Irlande a été le dernier pays à le légaliser le 1er janvier 2019… En moyenne, les pays donnent jusqu’à 12 semaines de grossesse pour pouvoir pratiquer l’avortement, soit le double de temps que certains Etats aux Etats-Unis ont fait légaliser ces dernières années.
Quant à la Suisse, c’était il y a seulement 20 ans, en 2002. Faut dire que la Suisse est toujours un peu à la traîne car avant qu’une décision soit prise au niveau fédéral il faut que tous les cantons soient d’accord. Les discussions avaient commencé dans les années 1970 comme ailleurs en Europe.
Je ne sais pas ce que ce monde réserve à nos filles et à nous-mêmes, mais dernièrement, ce n’est pas très glorieux, non ? Devons-nous nous rebattre pour des droits pour lesquels nos grands-mères et mères se sont déjà battues pour elles et pour nous? Avons-nous vraiment le choix?
C’est très déroutant ce retour en arrière et dangereux aussi. On a du mal à y croire.
Mais oui Simone de Beauvoir avait raison. Et je crois qu’il va falloir se battre en effet, comme nos mères et nos grands-mères pour des droits élémentaires qui reculent à vue d’œil dans le monde.
C’est difficile pour nous et très difficile pour les femmes qui ont lutté et qui sont encore de ce monde. Il n’est pas toujours beau à voir.
Bravo pour cet article!
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Merci beaucoup ! Et oui nous n’aurons pas d’autre choix que de nous battre…et pourtant il y a encore à l’heure d’aujourd’hui tellement de choses pour lesquelles nous nous battons déjà. C’est triste et révoltant !!!
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