Ce livre, emprunté à la bibliothèque, est resté plusieurs semaines sur ma table de nuit. Cela arrive, des fois. Les écrans l’emportent sur la lecture et peut-être aussi que le dernier pavé que j’ai lu ne m’avait pas autant passionné que cela. En général, je mets un peu de temps à me remettre à lire, déçue par le dernier roman que j’ai eu en main.
Mercredi soir, tard, j’ai commencé à lire Trancher, d’Amélie Cordonnier et je me suis vue happer par ses mots, ses lignes, son histoire. Si je l’avais commencé plus tôt dans la soirée, je pense que je l’aurais terminé jeudi soir. Où s’il avait fait mauvais samedi ou dimanche après-midi, je l’aurais avalé d’une traite. C’est souvent comme cela lorsque c’est une journaliste qui écrit : c’est brut, c’est prenant, c’est captivant et c’est aussi un premier roman !
De quoi cela parle ?
C’est l’histoire d’une femme vivant à Paris face à un dilemme : celui de RESTER ou de PARTIR. Rester pour qui? Partir pourquoi? De l’homme qui, après 7 ans de pause et de thérapie, est reparti dans une violence verbale à son encontre. Ce n’est pas une violence physique, quoiqu’il arrive à la limite, elle est verbale. Sans raison apparente, il l’insulte à peu près de tout, quand ils sont deux ou même quand ils sont avec les enfants. Jamais en public. De « petite conne », « salope », « tu ne sers à rien » en passant par tous les noms d’animaux. Et il s’excuse après, car il l’aime et qu’il ne sait pas d’où vienne ses mots si blessants. C’est un bon père de famille et c’est un bon mari « hormis » cela. Elle l’avait quitté 7 ans auparavant, car pour ces mêmes raisons elle avait fait une dépression. Après des mois de séparation et de reconquête d’Aurélien, elle avait donné une seconde chance à sa relation et l’avait scellé par un deuxième enfant, Romane. 7 ans après, les insultes reviennent sans crier gare. Chassez le naturel et il revient au galop. Alors le 18 décembre, elle prend une décision : elle se donne jusqu’à son anniversaire pour se décider, soit le 3 janvier.
Pourquoi cette histoire interpelle ?
Le thème n’est pas facile et pourtant il est commun à tant de femmes. L’autrice a écrit son roman à la deuxième personne, et je crois que c’est la première que je lis un roman écrit de cette manière-là. Tout le long, elle emploie le « tu » qui donne une sensation à la fois terrible et intime : celle de la responsabilité de cette femme face à ses choix, à ses tourmentes, à ses hésitations et surtout face à ses propres accusations et jugements. Et nous sommes dans ses pensées, dans le personnage et nous nous demandons ce que nous, nous ferions à sa place.
Car rien n’est jamais tout blanc ou tout noir. Cet homme, elle l’aime et il lui a procuré autant sinon plus de bonheur que le malheur qu’il l’accable avec ses mots, ses insultes. Ce qui est perturbant c’est que les deux savent que ce n’est pas sain, que lui essaye de se soigner mais en vain, car il l’aime surtout plus que tout. Elle, d’ailleurs, je ne me souviens pas d’avoir lu un prénom (comme un témoignage anonyme et universel), lui dit d’avance que le jour de son anniversaire, elle prendra sa décision, celle de le quitter ou de rester. Donc il sait et s’y prépare.
Il y a les enfants aussi. Comment ces mots qu’ils entendent de la bouche de leur père envers leur mère les influencent dans leurs comportements, dans leurs interrogations envers la relation de leurs parents.
Les coups tuent, mais les mots également. Ils laissent des bleus, des bleus à l’âme que souvent personne ne perçoit. Trancher, c’est prendre une décision radicale, mais aussi une décision compliquée. Jusqu’au bout, on ne saura pas vraiment, ce que le 3 janvier, la narratrice décidera.
Cette histoire m’a profondément secoué car elle est un miroir de ce que j’ai pu vivre. Ce n’était pas un partenaire qui m’insultait, mais c’était tout simplement ma mère. Les coups ne pleuvaient pas, même si je me suis prise quelques bonnes gifles, mais les mots eux, pleuvaient régulièrement : « Va faire le trottoir !», « Salope ! », « Petite conne! », « T’es qu’une idiote! », « Personne ne t’aimera jamais! », « Aucun homme ne pourra jamais t’aimer! » etc. Ah ces douces paroles..
Je remercie le ciel que les prophéties de ma chère mère ne se soient pas réalisées. Mais je dois dire que ses paroles se sont ancrées en moi à jamais, et que j’y ai même cru. Qui ne croirait pas sa propre mère ? Surtout quand elle vous attaque aussi jeune, aussi longtemps et qu’on vit avec elle à huis clos. Mais pour m’en défaire, j’ai dû moi-même trancher à une époque, et j’ai mis des années à prendre ma décision. Qu’il est difficile de se défaire d’une personne qui dit qu’elle vous aime tant mais qui vous insulte, maltraite aussi durement. Les mots d’amour en fait, on n’y croit plus tout simplement.
Oui les mots peuvent tuer, autant que les coups. Si les blessures ne sont pas apparentes, les comportements envers les autres et envers soi-même en sont le miroir. On ne guérit pas dans un environnement qui nous a rendu malade, la seule manière de s’en sortir et de guérir est de partir…
Sur ce, bonne lecture et bon dimanche 🙂 !

L’histoire est important car oui tant de femmes (et d’hommes et d’enfants) vivent cela. Je pense que partir est l’unique solution. C’est l’option que j’ai choisie meme si elle n’est jamais aisée à prendre. Et pour cause.
Merci pour le partage de cette lecture.
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