Toi et moi (1/3)

Chers lecteurs, chères lectrices,

Aujourd’hui je vous présente le début d’une nouvelle écrite cet automne. Je vous la partage en trois parties, la deuxième sera postée mercredi et la dernière partie dimanche prochain. N’hésitez pas à me faire part de vos commentaires!

A bientôt 🙂

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De: Maria Gonzalez – Flores, Villa n°356, Barrio Salamanca, Madrid – ESPAGNE
Le 22 avril 2060

A: Maria Gonzalez, American Dream Motel, Montgomery, Alabama, ETATS-UNIS
Le 22 avril 2020

Quérida,

Cette lettre est le seul moyen que j’ai trouvé pour te contacter. Je m’appelle Maria et je suis toi, mais toi dans 40 ans. Cela peut te paraître absurde mais c’est pourtant vrai. Le système électronique de 2060, n’est pas compatible avec celui de 2020 donc je suis obligée d’utiliser la bonne vieille méthode qu’est de prendre un stylo et du papier. Bien que le papier soit rare, il est encore accessible aux classes moyennes (dieu soit loué !) et j’ai pu me procurer quelques feuillets pour t’écrire ces quelques lignes.

Tu vas trouver sûrement ma démarche bizarre, mais je sais qu’au fond de ton cœur, tu trouveras la force de croire à ces quelques mots. De croire en moi, de croire en toi.

Hier soir tu as découvert que tu attendais un enfant, seule au-dessus de cette cuvette de toilette de motel dégueulasse et tu as essayé de mettre fin à tes jours. Tu as perdu tout espoir pour ta vie et celle de la vie qui est en train de naître en toi. Et c’est normal. Tout à fait normal. Tu es morte de peur et tu ne vois aucune issue. Mais je veux t’assurer par cette lettre que l’avenir sera meilleur, que tu prendras les bonnes décisions même si elles seront difficiles.

Le monde survivra à la pandémie que tu es en train de vivre actuellement. Cette pandémie n’est que la première d’une longue série, et la race humaine va s’adapter, comme elle l’a toujours fait lors des plus profondes crises de l’humanité.

Sois patiente, aie confiance, et arrête surtout de te faire du mal.

Je suis là désormais, écris-moi.

Je t’embrasse,

Maria Gonzales Flores

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De Maria Gonzalez – Flores, Madrid, Espagne
Le 26 avril 2060

A Maria Gonzalez, American Dream Motel, Montgomery, Alabama, Etats-Unis
Le 26 avril 2020

Quérida,

Je n’ai pas eu de nouvelles de toi, depuis ma lettre du 22 avril et je m’inquiète car je sais que tu l’as reçu. Je sais que tu ne sors plus de ce lit de motel et que tu veux y rester pour toujours.  Tu ne veux et ne peux plus te nourrir correctement, tu as envisagé d’utiliser les cintres dans l’armoire pour ôter la vie qui est en toi, et tu ne réponds même plus à ton téléphone.  

Ecris-moi Quérida, je me rappelle de cet état de désespoir dans lequel j’étais, dans lequel tu es, à cette période et suis très inquiète, car je sais que tu es à deux doigts d’y rester.

Je t’embrasse,

Maria Gonzalez-Flores

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De Maria Gonzalez, American Dream Motel, Montgomery, Alabama, Etats-Unis
Le 1er mai 2020

A Maria Gonzalez – Flores, Madrid, Espagne
Le 1er mai 2060

Chère inconnue

Est-ce bien moi qui m’écris de l’année 2060 à 2020 ou est-ce une mauvaise blague d’un employé du motel ? Ou bien est-ce l’effet peut-être des somnifères que je prends depuis maintenant quelques jours…

Si vous êtes bien moi, j’aimerai que vous me confirmiez certains détails sur moi :

  • Où ai-je un tatouage sur mon corps et que représente-il ?
  • Comment s’appelle le gringo qui a disparu de ma vie il y a maintenant 3 semaines ?
  • Combien de boulots ai-je perdu à cause de ce COVID ?

Et enfin, si c’est bien vous, enfin, moi, merci de me dire comment je vais m’en sortir ? J’ai un futur bébé dans le ventre que je ne veux pas et ne peux pas élever. J’ai pensé à rentrer au Mexique mais plus personne ne m’attend là-bas. Je suis coincée ici en Alabama, où l’avortement est strictement interdit depuis l’année dernière et de toutes manières je n’ai pas les moyens de me le payer. Je vis dans ce motel pourri à 20 dollars la nuit depuis maintenant une semaine puisque je viens de me faire expulser de mon logement. Quand je pense qu’il s’appelle l’American Dream Motel, quelle ironie, hein ? ! Si j’avais su, 10 ans en arrière…. Je ne serai pas venue sur cette Terre promise.

Tout est arrivé si vite, en seulement quelques semaines ! Je n’arrive pas à comprendre comment j’ai pu en arriver là.

J’aimerai croire que ce que vous me dites est vrai, que vous êtes moi dans 40 ans, à l’abri, en Espagne, et mariée puisque je vois que votre nom est composé de « Flores » en plus du « Gonzalez ».

Mais vos lettres arrivent sans timbre, et directement sous ma porte, cela doit donc être une blague. Mais qui ne tente rien n’a rien, je vais laisser cette lettre sous ma porte ce soir avant d’aller me coucher et je verrai bien si vous me répondrez. Je vis quand même aux Etats-Unis, et ici, tout peut arriver.

Maria Gonzalez

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De Maria Gonzalez – Flores, Madrid, Espagne
Le 2 mai 2060

A Maria Gonzalez, American Dream Motel, Montgomery, Alabama, Etats-Unis
Le 2 mai 2020

Quérida,

Quel soulagement d’avoir reçu ta lettre ce matin. Je comprends ta méfiance, et je ne suis pas censée faire ce que je suis en train de faire, ce n’est pas légal à notre époque et c’est tout à fait normal d’ailleurs. On ne peut changer le passé sans changer le futur, mais je sais que tu en as besoin, enfin que nous en avons besoin toutes les deux, de voir une lueur au bout de ce tunnel là en cette année 2020 catastrophique. De ne pas te sentir aussi seule, mais que je suis là avec toi.

Pour répondre à tes questions, ton tatouage est un trèfle à 4 feuilles que tu as fait faire le lendemain de ton arrivée sur le sol américain au niveau de ta fesse droite. Le gringo qui a disparu il y a 3 semaines maintenant s’appelait Manoel, et tu as perdu 3 jobs au moment de l’arrivée du COVID, deux boulots de femme de ménage dans deux hôtels de Montgomery et un boulot de garde d’enfant le soir payé au black auprès d’une famille très riche et très blanche.

J’espère que tu me crois maintenant.

Quérida, je sais que tu es fatiguée et que tu es paralysée par la peur. Je sais ce qui passe par ta tête mais ne le fait pas. Une vie pleine d’amour et de joie t’attend même si c’est difficile à croire maintenant. Mon nom m’a trahi, mais oui, en 2060 tu seras mariée et même déjà grand-mère.

Alors sèche tes larmes, va prendre un peu l’air et surtout rallume ton téléphone et rappelle tous les numéros qui t’ont appelé, même ceux que tu ne connais pas.

Puis écris-moi, tout et n’importe quoi. Mettre sur papier ce qu’on a dans la tête, c’est déjà retrouver un peu de sérénité.

Je t’embrasse

Maria Gonzalez Flores

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La suite mercredi :)!

5 commentaires sur “Toi et moi (1/3)

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