Grève féministe le 14 juin 2019, en Suisse

Depuis quelques semaines je vois placarder dans la ville de Genève des affiches concernant la grève nationale des femmes suisses prévue le 14 juin 2019. N’étant pas une pro féministe mais ayant quand même un avis bien tranché sur la question je me suis donc renseignée sur mon lieu de travail auprès des ressources humaines si cette journée du 14 juin 2019 avait été discutée avec la Direction. A ma plus grande surprise, non. Dans une société comptant une cinquantaine de salariés dont la moitié est de sexe féminin, personne ne s’est posé la question de participer ou pas à cette grève.

Grève en Suisse

En même temps, la Suisse n’est pas le pays de la grève, reflet de la première phrase que ma DRH m’a dite : « Alors comme vous le savez, nous ne sommes pas en France, ici… ». Oui d’accord, mais concrètement, le droit de grève existe et comment s’applique-t-il techniquement parlant ? Et bien dépourvu de syndicat, je dois regarder la charge de travail qui m’attend ce jour là avec mes responsables, et demander si c’est possible que je prenne « congé ». Jour qui me sera payé mais qui me sera décompté de mes vacances ou de mes heures supplémentaires. Donc c’est possible, mais quand sera-t-il de ma réputation si je me mobilise toute seule ou si j’arrive à mobiliser un groupe de collègues à me suivre et surtout des conséquences? Car pour rappel, en Suisse il ne faut pas de raison bien importante pour se faire virer, c’est au bon vouloir de votre responsable, le salarié n’est pas protégé… Une pression que l’on peut vite ressentir si les relations professionnelles pour X raison tournent au vinaigre un moment donné d’autant plus quand on possède seulement un permis de travail. Les syndicats existent, mais ils sont loin d’être aussi puissants qu’en France…

Les raisons de la grève du 14 juin 2019

Pourquoi une grève a été organisée dans ce pays aussi tranquille et surtout aussi neutre que la Suisse ? Car la Suisse n’est pas le paradis sur terre en termes de droits de la femme non plus. Les revendications sont essentiellement liées au travail : les inégalités salariales peuvent devenir des gouffres entre collaborateurs de sexe différent à poste égal dans certains secteurs, qu’à cause d’une période à temps partiel dans leurs carrières, les femmes sont par conséquent plus sujettes à la pauvreté quand elles vieillissent (le système de retraite suisse est privé), que le harcèlement sexuel et le mobbing sont également monnaie courante. Qu’il existe aussi des associations anti-avortement en Suisse, de la violence dans les ménages, bref que comme dans tout autre pays du monde, s’il est indiqué dans la plupart des constitutions que la femme est l’égale de l’homme, sur le terrain rien n’est encore probant.

Comment le confort rend passif

D’un point de vue personnel, je n’ai absolument pas à me plaindre sur mes conditions de vie : je gagne un salaire plus que confortable dont je suis la seule bénéficiaire, je n’ai jamais été victime de maltraitance masculine ou je n’ai jamais eu à me poser la question si je devais avorter ou pas (mais contrairement à beaucoup de femmes, j’aurais pu, si j’avais considéré ne pas avoir eu le choix). En revanche j’ai été la cible d’harcèlement au travail, ce qui m’a poussé à démissionner une fois dans ma courte carrière professionnelle (10 ans). Donc je me considère comme privilégiée et toutes ces questions ne me tourmentent pas quotidiennement le soir quand je vais me coucher. Et pourtant… Cela devrait non ? Avoir ce statut privilégié devrait me pousser à réclamer plus de droits mais surtout à les réclamer pour toutes ces femmes qui n’ont pas mes conditions de vie. Je fais partie d’une minorité, et les femmes européennes sont d’ailleurs les plus privilégiées dans le monde en matière de droit mais il reste tellement de choses à obtenir encore ! D’où sont parti les premières luttes féministes ? D’Europe. Comment obtient-on le pouvoir ? En attendant sagement ou en le prenant en se battant ?

Le confort endort, alors qu’il devrait être le levier pour lutter pour les autres, qui elles, ne peuvent se le permettre pour différentes raisons: manque de temps ou/et de moyens, de trop de peurs ou/et de pression et j’en passe.

Enfin les Suissesses veulent les femmes dans la rue mais pas seulement les Suissesses. Certains syndicats proposent des dépliants en plusieurs langues dont le portugais, l’espagnol et l’albanais (https://syna.ch/fr/greve-feministe). Elles nous veulent TOUTES! C’est une lutte de et pour TOUTES les femmes. La dernière grève de ce genre en Suisse était le 14 juin 1991, 10 ans après l’inscription dans la constitution de l’égalité hommes-femmes, soit en 1981. Cela laisse à réfléchir sur le chemin à parcourir encore, nan ? Quant à moi, je ne me suis pas encore décidée si je prendrais ma journée entière ou si j’arrêterais simplement de travailler à 15h24, soit l’heure à laquelle nous cessons symboliquement d’être payées.

Et vous, vous mobiliserez-vous?

 

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