Je ne sais pas si les hommes le font mais nous, on compte.
On compte d’abord les jours, puis les semaines et enfin les mois. Le temps est devenu long. On n’attend plus mais on ne prévoit plus non plus. Nos pensées ne sont plus dirigées vers le futur, mais constamment sur le passé. On régresse.
Entre temps, viennent les journées où on peut se mettre à compter les minutes, puis les heures ; les heures où, enfin, on a réussi à ne plus y penser.
Où on a réussi à ne plus penser à cette dernière conversation, où on a réussi à ne plus penser à son dernier regard, où on a réussi à ne plus penser à la dernière fois où il nous a fait l’amour.
L’amour, on croyait que c’en était. Le vrai, le grand, le beau, l’indestructible. Il existe, oui. Mais ce n’était donc pas celui-là ?
Alors on persiste à croire qu’on avait raison, et on relit tous les échanges de messages conservés précieusement dans son téléphone.
On relit d’abord les messages qui nous font sourire et même rire, puis ceux qui nous font rougir et on se demande comment on a pu en arriver là, car tout se passait si bien.
Enfin on relit les messages qui soulèvent des interrogations, où on se dit qu’on aurait dû répondre autrement, et qu’on aurait dû peut être poser plus de questions.
On comprend des fois pourquoi les choses ont tourné ainsi, mais des fois on ne comprend pas.
Et ces messages après un certain temps, sont effacés, afin d’arrêter de ruminer.
Les premiers jours on attend des nouvelles, un changement de situation.
On l’imagine débarquant à l’improviste, nous dire que nous étions cons et que plus jamais nous nous séparerons.
Ou encore le rencontrer par hasard chez des amis, dans la rue ou tout simplement loin de ce que nous avions connu. Se sourire, se parler, se souvenir et vouloir tout recommencer.
Les jours d’après on essaye de le détester.
On se souvient des choses qui nous déplaisaient : qu’il était borné ? Paresseux ? Radin ? Stupide ? Sale ? Ennuyeux ? Bordélique ? Trop sensible ou encore insensible ? Qu’il ne tenait pas souvent ses promesses ou encore qu’il était souvent aux abonnés absents ? Choses qui semblaient insurmontables quelques jours auparavant.
Dans d’autres cas, on se console en se disant qu’on a fait le bon choix. Que s’il nous a trompé une fois, il le refera ; que s’il a des doutes mais nous pas, cela nous attristera ; que s’il pouvait vivre sans nous, c’est que ce n’était pas le bon « nous».
On se met en « pilotage automatique », pour les autres, surtout : la famille, les amis, le travail. Passé un certain temps, il est presque « socialement » interdit de parler de ce qui est arrivé.
On ressasse. On se souvient. On espère. Puis on accepte.
Enfin un jour, peut-être une semaine, un mois, un an après, on s’endort sans larmes. On se lève sans maux de cœur. On se regarde dans le miroir, on se sourit et on se trouve de nouveau jolie. On a envie de nouveau de sortir, de rire, de voir ses amis.
Et c’est à ce moment-là qu’on sait. On sait qu’on l’a digéré. Digérer la rupture.