Le pouvoir de la bienveillance

Depuis l’âge de 10 ans je vis en appartement. Qui dit appartement, dit voisins. Qui dit voisins, dit cohabitation. Qui dit cohabitation, dit possibilités de nuisances sonores. De l’HLM avec ma mère, à la chambre universitaire durant mes années étudiante, au studio dans un vieil immeuble parisien au début de ma vie active, en passant par la colocation, j’ai enfin aujourd’hui un appartement de taille correct dans lequel je vis seule. Durant ces différentes périodes de ma vie, j’ai eu toutes sortes d’expériences de voisinage. De la musique jusqu’à 3h-4h du matin, aux disputes de couples, aux réveils programmés aux aurores (ou même oubliés quand ces chers voisins partaient en vacances), jusqu’à certains bruits de copulation ou de conversations téléphoniques plutôt gênantes… Vous voyez ce que je veux dire ? Je pensais avoir fait le tour, jusqu’à il y a encore quelques jours.

Il faut savoir que j’habite dans une barre d’immeuble de neuf étages, avec quatre appartements par étages. Il y a quatre entrées différentes sur le même immeuble, ce qui fait un certain nombre de personnes partageant un même lieu d’habitation. Ce que j’apprécie particulièrement où je vis c’est la diversité : mes voisins viennent de tous les continents, parlent de nombreuses langues, vivent en couple, en famille ou seuls, sont jeunes, retraités ou en plein milieu de leur vie active. Un colis est déposé devant votre porte le matin, vous êtes certain de le retrouver le soir quand vous rentrez du travail. Bref, la paix et la bienveillance règnent. Jusqu’à…

Jusqu’à ce soir, où, fraîchement rentrée de mes vacances, mes voisins du dessus ont eu la bonne idée de mettre leur télévision tellement forte, que je n’entendais plus ce que je regardais sur la mienne. Pensant d’abord à une erreur, j’ai attendu un peu avant de monter les voir. On était en pleine semaine, vers 20h30, donc cela n’allait pas durer… Sauf qu’au bout d’une demi-heure le bruit était tellement présent dans mon salon, que même si j’augmentais le son de ma propre télévision, je n’arrivais toujours pas entendre ce qu’il s’y disait… Donc je suis montée. Si j’acceptais ce bruit ce soir-là, cela voulait dire que je devrais l’accepter potentiellement tous les soirs et il en était hors de question!

Le bruit de leur télévision était tel, qu’il s’entendait dans tout le hall de l’immeuble. Après avoir frappé à leur porte et attendu un moment, ma voisine a ouvert, le visage complètement fermé. J’ai demandé gentiment s’ils avaient un nouveau système de télévision, car j’entendais très fort chez moi, qu’auparavant je n’entendais rien et si c’était possible de baisser le volume. Braquée, cette femme que je ne croisais jamais, m’a répondu sèchement que je devais contacter la Régie ou le propriétaire de l’appartement directement si je n’étais pas contente. Elle en a profité pour me rappeler également que j’étais venue me plaindre une fois dans le passé, parce que sa fille faisait trop de bruit et qu’en gros j’étais une mauvaise personne car je blâmais une enfant de moins de quatre ans…

Pour remettre les choses dans leur contexte, à l’époque j’étais malade et je n’arrivais pas à dormir car sa fille courrait et criait partout, tous les jours, le soir et tard… Je m’étais permise de monter pour partager mon besoin de dormir au vu de mon état. Jamais je ne blâmerais une enfant, par contre les parents qui sont des adultes…

Bref, la sentant pas du tout ouverte à faire un effort, je l’invitai alors à venir chez moi constater le bruit, ce qu’elle refusa. Puis sentant une véritable colère monter en moi, je lui rétorquai que moi aussi je pouvais faire du bruit mais que je ne voulais pas commencer à jouer à ce jeu-là. Elle me souhaita alors « Bonne nuit, Madame » à plusieurs reprises afin de clôturer cette conversation, qui, à mon plus grand regret, n’avait menée nulle part.

Rentrée chez moi, je fulminais et je remis en question ma demande. Est-ce que c’est moi qui abusais ? Ou est-ce que c’est elle qui n’avait juste aucun respect ? Je n’arrivais pas à mettre le doigt sur l’origine de cette femme, impossible de deviner sa nationalité par son accent, son apparence physique, ou même par son nom de famille. Pas plus mal, vous me direz, car cela m’a évité d’avoir des considérations clichées ou de faire des raccourcis culturels qui ne m’auraient mené à rien. Une fois revenue dans mon appartement, le bruit s’arrêta, puis reprit jusque tard dans la nuit. Je me sentais comme une lionne en cage!

Cette nuit-là fût agitée. Je ne voulais pas que cette situation persiste tout en ne voulant pas me laisser faire. Je suis tolérante mais j’ai des limites, surtout quand je suis dans mon bon droit. Et comme l’une de mes devises est Œil pour œil, dent pour dent, le lendemain matin j’ai programmé mon réveil en plein milieu de l’après-midi, volume à fond, pour une heure (c’est la radio qui se déclenche). Je savais que la petite avait sa chambre juste au-dessus de la mienne, et qu’elle faisait la sieste l’après-midi… Je n’ai pas pu m’en empêchée. Il ne faut juste pas me chercher…

Le lendemain, au bureau, j’en ai parlé à mes collègues, tous m’ont dit que c’était chiant comme situation sans me trouver de solution qui empêcherait l’envenimement du conflit, sauf une. Elle m’a proposé de prendre le problème à l’envers : il fallait que je devienne gentille avec eux et non pas continuer à monter dans les tours. Renverser la vapeur, couperait net le conflit, mes voisins seraient confus de ce retournement de situation et feraient peut-être des efforts pour rétablir une situation correcte.

Surprise de cette suggestion, allant à l’encontre de ce que je planifiais, je décidai de la tester. Le soir même je suis allée faire quelques courses. J’ai acheté des bonbons pour la petite et des chocolats et gâteaux pour les parents et j’ai rédigé un mot, à la main. J’ai, entre autres, mentionné que je m’excusais de l’avoir braquée, que j’adorais les enfants, que je souhaitais continuer à vivre en bon voisinage et que je les invitais à venir prendre le café le week-end suivant.

J’ai déposé le sac devant leur porte le soir même. Je ne voulais pas d’une nouvelle confrontation et j’ai attendu. J’ai attendu jusqu’au week-end, sans visite mais aussi sans bruit! Ce stratagème avait-il donc fonctionné ?

Puis hier après-midi, en sortant de ma douche après être aller courir, on sonna à ma porte. C’était ma voisine du dessus et sa petite, qui portait une énorme orchidée dans les mains. Ma voisine m’a remerciée pour mon geste, et surtout pour mon mot. Elle s’excusait d’avoir mis autant de temps à passer car elle avait eu beaucoup de travail ces dernières semaines. Elle m’expliqua qu’à la lecture de mes mots, elle avait alors compris que j’étais une bonne personne (et non une célibataire aigrie vivant seule et sans enfant !) et qu’elle souhaitait également que nous entretenions de bonnes relations de voisinage. Elle se présenta ainsi que sa fille et elle lui demanda de m’offrir l’orchidée. Avant qu’elles remontent chez elles, elle me promit de faire plus attention au bruit. Son visage était ouvert et bienveillant 🙂 Je les ai remerciées chaleureusement, étonnée de cette situation…

Une fois la porte refermée, l’orchidée dans les mains, je me suis mise à sauter de joie dans mon appartement. J’étais absolument touchée par leur geste (en plus, j’adore les orchidées !) et ce retournement de situation inattendu! La bienveillance envers les uns et les autres a donc un véritable pouvoir dans notre quotidien !

Demain je remercierai ma collègue pour ce précieux conseil que je partage ici, aujourd’hui avec vous, dans le cas où vous aussi, vous auriez de temps en temps des problèmes de voisinage. N’hésitez pas à faire partager ici, vos expériences!

5 commentaires sur “Le pouvoir de la bienveillance

  1. J’ai tellement aimé lire cette histoire. Je vis dans le même appartement depuis 12 ans, et j’ai entendu toutes les mêmes choses des voisins. Quelques fois, j’ai reçu des plaintes moi-même (déposées chez le propriétaire, pas en personne). Mais jamais une telle résolution !

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  2. Merci beaucoup pour ton partage.
    Oui parfois il suffit juste d’un peu d’attention et d’humanité pour faire passer un message.
    C’est une belle histoire qui me montre le chemin – parfois j’ai tendance moi aussi à en avoir par dessus la tête de mes voisins!

    Aimé par 1 personne

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