Ne pas être irremplaçable au travail

«  Mais tu n’es pas irremplaçable tu sais ! »

Cela fait maintenant 10 ans que je travaille à plein temps, et donc cela fait plus de 10 ans que je travaille tout court et j’estime avoir entendu cette phrase trop régulièrement, qu’elle m’est été personnellement destinée ou destinée à d’autres collaborateurs.

J’ai eu des postes en tout genre, de l’extra dans un mariage, à la calibreuse de fruits dans une usine jusqu’à un poste de manager, gérant une équipe de vingt personnes. Et dans tous ces postes, on me l’a dit clairement : je n’étais pas unique, et d’autres personnes pouvaient faire le boulot à ma place sans aucuns soucis. La porte était donc grande ouverte si je voulais la prendre. Et par conséquent, je l’ai prise quelques fois de mon plein gré.

Niveau confiance et estime de soi cela donne un coup de mou. Car si l’on souhaite changer des choses qui ne fonctionnent pas au sein de sa boite ou du moins, les remettre en question, on nous fait clairement comprendre que si les règles actuelles ne nous plaisent pas, notre avis n’a aucun intérêt. Que ce travail est tellement simple au final, qu’il ne demande pas des compétences et des forces mentales spécifiques et que l’on peut être remplacé par la prochaine personne qui franchit la porte de l’entreprise. De ce fait, que nous ne sommes en aucun cas, unique.

Nous dire que la porte est grande ouverte et qu’on peut la prendre change également notre vision de l’autorité pour laquelle on travaille: le respect disparaît. Soit on décide alors de partir car les choses ne changeront pas, soit on décide de subir et de ne rien dire tout en se trouvant de fausses bonnes raisons de rester. Personnellement, le dernier cas est le plus dangereux.

En fait, ce n’est bénéfique pour personne : que cela soit pour l’employé ou pour l’entreprise. Les entreprises, pour créer des produits et des services de qualité se doivent d’avoir des équipes stables et valorisées pour le bon fonctionnement de celles-ci. Ainsi elles établissent une relation de confiance avec leurs clients et conservent une bonne image auprès d’eux. Dans le futur quand je serai amenée à passer des entretiens d’embauche, je demanderai toujours pourquoi la personne que je vais remplacer est partie et j’essayerai de savoir s’il y a beaucoup de turn-over.

Un exemple, cela fait 9 ans que je suis dans ma banque française (dont je ne citerai pas le nom), et plus de 6 ans que je suis expatriée. J’ai dû voir 6 conseillers différents depuis l’ouverture de mes comptes, est-ce que cela me rassure ? Non. Est-ce que je vais devoir réexpliquer mon historique ainsi que mes projets à chaque nouveau conseiller ? Oui. Est-ce que cela me dérange et j’envisage d’aller voir ailleurs ? Absolument.

Les entreprises sont à une époque où elles sont en force : le taux de chômage est important suivant là où l’on habite et les postes sont très disputés. En revanche ma génération et les suivantes ne veulent plus rester dans des postes qui apportent trop de stress, trop de contraintes, trop d’abus. C’est le cercle sans fin avec à la clé une gestion du personnel désastreuse. Mais qu’importe, car c’est là que le bât blesse : les entreprises pressent sur leurs employés car l’argent (qui est son but initial) est plus important que les humains qui aident à le créer. Notre économie, notre croissance globale est basée sur la production d’argent et non sur la production du bien-être humain. Nous valorisons plus nos billets de banque que notre prochain. Je ne pense pas grossir le trait : pensez au premier sujet de dispute que vous avez en famille, en couple, avec vos amis ? Quel est le sujet tabou outre la politique ? Et bien c’est l’argent. Celui qu’on gagne, celui qu’on perd, celui qu’on investit, cet argent qui fait tourner notre monde.

Le burn-out, que l’OMS a enfin classifié cette année en tant que maladie liée à l’épuisement professionnel est une conséquence de ce mode de fonctionnement. Les burn-out sont souvent vécus par des personnes s’impliquant dans leur travail, passionnées par ce qu’elles font et qui se font déborder par un stress devenu chronique et par des cadences devenus ingérables. Le salaire n’est pas remis forcément en cause mais c’est la manière dont on est traité pour l’obtenir qui l’est.

Mais on voit aussi tout au contraire certains faire le strict minimum dans leur travail : ne pas faire d’heures supplémentaires, demander une augmentation sans changement de compétences ou de poste, s’indigner car des vacances ont été refusées pour raison de trop grande activité saisonnière, des pauses longues et nombreuses durant la journée etc… Ils sont très rigides dans leur conception du travail et ne veulent pas forcément s’adapter. Les entreprises doivent-elles les garder ou les remercier?

Tout travail implique une relation humaine, la qualité de celle-ci déterminera la productivité de l’entreprise. Nous pouvons avoir un travail génial mais des responsables horribles ou avoir un travail moins génial mais de supers responsables. Quelle situation choisir ? 

Et bien je pense que la bonne réponse est de travailler pour nous. Ne pas devenir forcément indépendant mais s’interroger régulièrement sur notre situation professionnelle afin de se trouver irremplaçable pour nous-mêmes et nos proches. Les temps ont changé : le travail ne doit plus nous définir en tant que personne, mais bien nous aider à nous construire.

 

 

3 commentaires sur “Ne pas être irremplaçable au travail

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