Le mondial de la honte

Ça y est. On y est. Le mondial de foot commence aujourd’hui avec ces quelques milliards de spectateurs attendus dans le pays hôte le plus controversé de l’Histoire, choisi par la FIFA : le Qatar. Mais le Qatar n’a pas été élu par la FIFA d’une manière démocratique et transparente, il a tout simplement acheté son élection pour devenir visible aux yeux du reste du monde et se faire une place parmi les plus grandes puissances.

Le Qatar est un pays à peine plus grand que la Corse, situé dans le Golfe Persique en face de l’Iran et ayant pour voisin l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis. Il était complètement inconnu et désertique jusqu’à il y a quelques décennies et composé de familles bédouines. Puis, comme les autres pays du Moyen-Orient, des ressources naturelles ont été découvertes sur son sol : d’abord le pétrole, puis le gaz (en pleine mer). La monarchie au pouvoir à l’époque a donc parié sur le gaz et le pari a été réussi. Le Qatar représente aujourd’hui la troisième réserve mondiale de gaz après la Russie et l’Iran.

Qui exploite ces ressources ? Comme partout ailleurs au Moyen-Orient et depuis la découverte du pétrole et du gaz dans ces zones désertiques, ce sont les entreprises européennes ou américaines comme TotalEnergies ou ConocoPhillips qui s’en mettent plein les poches.

Mais une partie des revenus revient donc au pays hôte et à sa population. Le pays est habité par presque trois millions de personnes, mais parmi elles il n’y a que 300’000 Qataris qui bénéficient de ces revenus et à vie. Les trois-quarts d’entre eux sont des fonctionnaires mais n’auraient pas besoin de travailler aux vues de leurs rentes fournies gracieusement par l’état. Ce même état qui se charge de tout pour eux, notamment les frais liés à la santé et a mis en place une législation stricte pour qu’aucun étranger ne puisse obtenir le même statut qu’eux. Une manière de se protéger, car les étrangers sont quand même dix fois plus nombreux qu’eux sur leur territoire mais travaillent tous pour eux. Situation inenvisageable dans nos contrées européennes.

Seuls les cadres des grandes multinationales étrangères ou faisant partie des organisations internationales comme le BIT (Bureau International du Travail) bénéficient de certains privilèges. Mais ce ne sont pas la majorité des travailleurs étrangers. Dernièrement on a pu notamment voir et entendre les conditions de vie des travailleurs pour le mondial construisant entre autres les stades et les hôtels pour accueillir les supporters. Mal payés, mal traités, et pour certains d’entre eux, décédés.

Puis, chaque Qatari possède des domestiques. Je dis bien « possède » car ces domestiques font partie de ce qu’on appelle l’esclavage moderne : leurs passeports sont retenus par l’employeur, ils/elles sont payés au lance pierre, souvent maltraités et dorment dans des placards ou de très petites surfaces au sein même de la propriété dans laquelle ils/elles travaillent.

Le choix du Qatar comme pays hôte pour accueillir le mondial de foot est d’autant plus illogique car lorsqu’il a été choisi, douze ans en arrière, le pays ne comptait aucun stade de foot ! Le pays n’a en plus aucune culture pour ce sport, privilégiant les courses de dromadaires ou de faucons effectuées dans le désert, la ressource naturelle de base de ce territoire.

Qui dit déserts, dit températures désertiques oscillant autour des 45 degrés en plein été, période sur laquelle le mondial de foot a toujours été organisé… Donc comme l’argent peut tout acheter, les dates de la compétition ont été déplacées en plein hiver ! Et les Qataris vivant toute l’année dans des espaces climatisés, les premiers stades climatisés ont vu le jour… Stades qui ne seront sûrement aussi d’aucune utilité après la fin de ce mondial. Choix encore très intelligent.

Pays musulman, l’alcool n’est autorisé que pour les étrangers de plus de 21 ans. Il est complètement inabordable, très régulé et sous contrôle des autorités.  Il y a deux jours, les médias annonçaient que la vente d’alcool à l’extérieur des stades serait interdite (revirement de situation de dernière minute). Sympa pour les supporters, non ? C’est vrai que la bière ne fait pas du tout partie de la culture du foot…

La polygamie est la norme, et même si les femmes peuvent travailler ou conduire dans ce pays, elles ne peuvent pas jouer au foot ! La moitié de la population est donc interdite de pratiquer le sport car cela les obligerait à faire apparaître leurs cheveux, leurs jambes et leurs bras aux yeux de spectateurs hommes… Sacrilège. Donc en toute logique, une coupe du monde de foot féminine ne pourrait pas avoir lieu dans ce pays.

Enfin, quand on entend dire par un ambassadeur qatari du mondial qualifier l’homosexualité comme un « dommage mental » à quelques semaines de l’ouverture de la compétition on a juste envie de…

Bref, moi, une personne lambda ne m’intéressant qu’au foot que lorsque j’ai un partenaire qui y joue ou qui assiste à des matchs, j’ai compris toute seule que le choix du Qatar était le choix de la cupidité et de la corruption au sein même de la FIFA. J’ai décidé que partenaire ou pas, je ne regarderai aucun match de cette coupe du monde qui me donne juste envie de vomir.

Toutes les causes pour lesquelles nous, les petites gens, nous nous battons depuis des années : le droit des femmes, le droit des travailleurs, le réchauffement climatique, les inégalités sociales et j’en passe… ont été « achetées » par un pays, par des hommes, qui souhaitent juste obtenir plus de pouvoir dans ce monde et s’enrichir encore plus au détriment de la majorité. En même temps, regardons comment est composé le comité exécutif de la FIFA, cette organisation à but non lucratif. Regardons de plus près son histoire, son organisation, sa présidence et le train de vie de ses membres. Pas de commentaire.

Donc au nom (officiel) du sport on peut tout se permettre? Après tout, la Russie avait bien accueilli le mondial en 2018… Cet argent aurait pu tellement être utilisé d’une autre manière, non? A mon niveau, je ne peux rien faire, à part boycotter ce mondial et je vous invite à en faire autant.