Nouveau départ (2/2)

Elle savait qu’il était sous pression au travail, et qu’il était fatigué, stressé, irrité. Ces derniers mois il avait eu la main plus lourde sur l’alcool, et ses mots et ses gestes dépassaient souvent sa véritable nature, sa nature profonde. Elle était persuadée que ce n’était qu’une phase, car cet homme là, ce n’était pas lui, ce n’était pas celui dont elle était tombée amoureuse.

Manon avait alors voulu renverser la vapeur. Retrouver le Simon des débuts, celui qui la couvrait de cadeaux et qui lui faisait des tonnes de compliments.

Elle s’était creusée la tête pendant des semaines pour trouver quelque chose qui lui ferait plaisir. Et un mercredi après-midi face à son ordinateur elle avait réalisé qu’elle ne lui avait jamais fait de surprise et peut-être que c’était cela qu’il attendait…

Cela faisait un moment qu’ils n’avaient pas quitté leur petit deux pièces pour un week-end. Elle savait que Londres était une destination qu’il n’avait jamais faite, et elle non plus d’ailleurs. Elle s’était dit que ce serait le meilleur moyen pour remettre son couple sur les rails, casser cette mauvaise routine qui s’était insidieusement installée entre eux.

Les deux mois avaient été très longs. Préparer une surprise ce n’était pas rien, surtout quand on vivait avec Simon. Alors quand ce vendredi midi elle lui avait envoyé un simple message lui disant : « Quand tu rentres à la maison, prépare une valise pour deux jours, on part en week-end ! », son excitation avait envahi son estomac et un sourire s’était dessiné sur son visage.

Mais cette excitation laissa rapidement la place à la peur qui monta comme une boule de bowling dans sa gorge. Son portable resté en silencieux le temps de son trajet en métro affichait quinze appels en absence de « Mon Chéri ». Mon Chéri avait aussi envoyé cinq messages, dont un où il la traitait de Trainée ! Elle l’avait rappelé à maintes reprises dès sa sortie de la bouche du métro mais il n’avait pas voulu décrocher.

Le cœur battant, elle avait monté les quatre étages à une vitesse folle. Arrivée devant la porte d’entrée, elle tremblait. Elle n’était pas fermée. Elle avait poussé la porte doucement, sans vouloir faire de bruit et une fois à l’intérieur elle vit le chaos. Comme s’ils avaient été cambriolés, ou qu’elle était en plein milieu d’un cambriolage.

Simon avait retourné l’appartement en quelques minutes. Il l’avait accusé de vouloir se faire pardonner quelque chose, et il cherchait des preuves de son infidélité. Manon l’avait supplié de se calmer, lui avait assuré qu’elle n’avait aucun autre homme dans sa vie et qu’elle avait voulu lui faire une surprise en partant à Londres ce week-end.

« –  Londres ? avait-il répondu, surpris.

– Oui, Londres. Toi, comme moi, nous n’y sommes jamais allés et j’en avais un peu marre d’entendre tous nos amis en parler. Je pensais que c’était une bonne idée… »

Simon s’était alors précipité sur elle et l’avait prise dans ses bras s’excusant de son attitude et la remerciant tout en l’embrassant avec force sur le visage. Les étreintes terminées, ils avaient fait leurs bagages rapidement en laissant leurs deux pièces sens dessus dessous. Elle pensait que l’important était maintenant de se retrouver tous les deux, et de partir loin. Le ménage pouvait attendre, même si dimanche soir ils allaient rentrer tard.

Elle réalisait maintenant, seule, au milieu de cet aéroport parisien qu’elle avait eu tort. Elle s’était persuadée que changer d’environnement changerait la situation, en vain. Elle se rappelait avoir pensé en regardant l’appartement une dernière fois avant de fermer la porte derrière eux, si ce chaos n’était pas simplement le reflet de sa relation avec Simon.

La trêve fut de courte durée car les reproches sur elle reprirent dans le bus qu’ils avaient pris à la station Opéra en direction de l’aéroport. Et comme cela ne lui suffisait pas, Simon pestait également sur le fait d’être coincé dans les bouchons dans le bus, et qu’ils auraient dû prendre le RER pour les éviter. Elle s’était tue, n’avait déjà plus eu la force de discuter.

Une fois à l’aéroport ils s’étaient précipités à l’enregistrement des bagages car l’heure limite avait été dépassée et ils avaient dû supplier l’hôtesse encore présente de bien vouloir les enregistrer. Il avait interdit à Manon de parler et en avait profité par la même occasion de remettre la faute de leur retard sur elle.

Après une assez longue négociation et des menaces de Simon contre le service client de la compagnie aérienne, l’hôtesse apeurée et résignée, avait pris leurs bagages et leur avait indiqué la porte d’embarquement. Elle leur avait conseillé de s’y rendre immédiatement car, le vol partait seulement 30 minutes plus tard. Ce qu’ils avaient fait, mais en chemin le téléphone de Manon avait vibré.

Elle avait naturellement sorti son téléphone de son sac, et Simon avait vu en même temps qu’elle la notification de message de Mathias qui affichait juste un emoji qui souriait entouré de petits cœurs.

Mathias était son ancien colocataire et avait le rôle actuel de meilleur ami. Certes, ils ne se voyaient plus comme avant, mais le lien était toujours là. Simon avait rencontré Mathias dès les premiers mois de leur relation. Mais Mathias avait été un peu perdu ces derniers temps sur sa sexualité et avait demandé des conseils en secret à Manon qui essayait du mieux qu’elle pouvait de l’aider dans ses interrogations. Simon n’en savait rien. Et Simon était devenu fou.

Il les avait insultés de tous les noms, elle d’abord, puis Mathias. Il l’avait frappé au visage et elle avait failli tomber. Puis il l’avait chopé par les deux bras et l’avait secoué comme on secoue un sac qui ne veut pas se vider. Et au moment où il avait relâché sa prise, il l’avait poussée si fort que cette fois-ci elle avait perdu l’équilibre et était tombée en arrière et sa tête avait cogné le sol.

En ramassant ses affaires, Simon avait eu l’élégance de cracher, tout en la assénant d’un : « Salope ! Pour qui tu te prends, hein ? J’ai toujours su qu’il y avait un truc entre vous ! »

C’est tout ce dont elle se rappelait, là, maintenant. C’était à la fois flou et très clair dans sa tête.

Tout en examinant les marques rouges sur ses bras et en passant la main sur la joue gonflée qui avait reçu la claque elle se demandait ce qu’elle devait faire maintenant ? Où était-il ? Rentré ou parti sans elle ?

Ce qui était sûr c’est qu’elle ne voulait pas rentrer chez eux. Devait-elle appeler une amie ? Non. Elle avait trop honte, et elle n’en avait même pas parlé à Géraldine alors à qui d’autre ? Et pour dire quoi ? De toutes manières, elle n’avait presque plus d’amies, et les seules qui lui restaient habitaient loin de Paris.

Alors Manon regarda une dernière fois son téléphone qui n’affichait aucune nouvelle notification et décida de l’éteindre. Une fois debout, elle le glissa dans son sac et se dirigea vers la porte 39C, la porte d’où partait son vol pour Londres. Il lui restait 15 minutes.

********

Alors, qu’en avez-vous pensé :)?

A la semaine prochaine!

Carnets d’une plume

2 commentaires sur “Nouveau départ (2/2)

  1. Partir, prendre ce vol et peut-être trouver la sortie à cet enfer.
    On sent la pression monter crescendo et on sent que Manon prend note au fil des secondes du chaos qu’est sa vie avec cet homme qui n’est pas celui qu’elle a aimé. Mais celui qu’elle a aimé n’était il pas un mensonge??

    Aimé par 1 personne

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