Dans nos sociétés occidentales, les enterrements (comme les mariages) sont devenus les événements où l’on réunit des membres de la famille et des amis avec lesquels nous n’avons pas de contact le reste de l’année. Et c’est bien dommage.
Ayant assisté à un enterrement il y a quelques jours d’un membre de ma famille, mon oncle a fait un discours que j’ai trouvé très juste : il est dommage que nous nous réunissions tous seulement pour ce genre d’événements alors que la plupart d’entre nous ne vivons pas si loin des uns des autres. Tout en faisant l’historique de la vie de la défunte, il a parlé de nous en tant que famille proche, dont je faisais partie, comme quoi nous étions peu et éparpillé sur différents fuseaux horaires du globe mais que nous nous voyions plus au final qu’avec ceux vivant à quelques centaines de kilomètres voire même moins, de chez nous. Et c’était là, la triste réalité.
Lors de cet après-midi nous avons revu des membres de notre famille que nous n’avions pas vu depuis plus de 15 ans et d’autres que j’ai personnellement découverts. Mon oncle nous a rappelé que ce phénomène s’était formalisé en l’espace d’une vie : du temps de sa mère, tout le monde vivait et vieillissait sous le même toit, de notre temps tout le monde partait loin et une fois trop vieux, on nous mettait dans une maison avec d’autres personnes âgées, dont le personnel nous maintiendrait en vie souvent, coûte que coûte, pendant des années. Et ensuite, c’est lors de notre enterrement que nous nous réunirons après des années de séparation.
Est-ce le délitement de la famille ? Est-ce qu’au nom d’une meilleure vie individuelle nous nous permettons de remettre la santé de nos proches à des étrangers, et ce même si nous les aimons énormément? Est-ce pour une raison de « protection de la vie » que nous assistons à l’effritement de leurs corps et de leurs têtes pendant des années jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus aller aux toilettes tout seuls ou même savoir comment ils s’appellent ? Mais ça, c’est encore un autre sujet.
C’est vrai après tout, il est si facile de partir loin à l’heure d’aujourd’hui et de se dire que téléphoner suffit ainsi que d’une ou deux visites par an. A quoi bon voir les anciens et être auprès d’eux ? Ils nous ont nourris, élevés, aimés pour au final ne plus nous voir en chair et en os mais à travers des écrans. C’est un peu ça, non ? Pour beaucoup d’entre nous en tout cas.
Certains membres de ma famille n’avaient pas vu ou même parlé à la défunte depuis plus d’une décennie et pourtant ils sont venus lui dire au revoir, venus prendre des nouvelles de ceux qui sont établis à l’étranger. Je me suis demandée pourquoi ? Pourquoi maintenant ? Car ils sont eux-mêmes à la retraite et qu’ils savent que leur heure est aussi sur le point d’arriver ? Il n’est jamais trop tard pour quoi que ce soit, mais je trouve dommage de ne pas profiter de la vie tant qu’elle est en nous plutôt que de la regretter lorsqu’il est trop tard. Je ne voulais pas savoir ce qu’il se passait dans leurs têtes à ce moment précis, mais les larmes en disaient long. Plein de choses n’avaient sûrement pas été dites.
La prêtre qui nous a guidés pendant cet après-midi, connaissait la défunte personnellement et son discours avait été d’autant plus touchant qu’elle avait fait ressortir les points essentiels de sa vie. Elle nous a fait une superbe remarque avant de partir célébrer une union un peu plus tard dans la journée : « Il règne dans cette pièce une telle chaleureuse atmosphère en cette journée triste où nous nous sommes réunis pour lui dire au-revoir, que là encore, elle nous donne une belle leçon d’amour : ce qui compte c’est être ensemble, se parler, rire et se souvenir ». Et elle ne pouvait avoir plus raison.
Les heures sont passées et ce n’est qu’en début de soirée que nous nous sommes séparés. Au moment de se dire au revoir, de nombreux numéros de téléphone ont été échangés ainsi que de nombreux sourires et de nombreuses accolades. Tout cela avait remplacé les larmes de la première heure de la cérémonie.
Tout ce qu’on peut se promettre dorénavant, c’est de ne plus se réunir seulement lors de ces événements tristes. Se promettre et agir en conséquence, car après tout si nous sommes de la même famille, nous avons une histoire commune et nous pouvons nous comprendre, nous aimer et nous aider.
En Afrique, en Asie et aussi en Amérique du Sud, la question ne se pose même pas. Ou la question se pose peut être si chacun possède les moyens de partir de là où il a grandi. Pas étonnant que le pourcentage de personne se sentant seule ou isolée est en constante augmentation depuis les deux dernières décennies dans nos pays si bien développés.
Aux mariages et aux enterrements, on promet toujours de se revoir très vite… mais qui tient promesse ?…
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