La semaine passée, la RTS (Radio Télévision Suisse), soit notre JT local, se penchait sur une nouvelle étude concernant la diminution des capacités de lecture des jeunes suisses depuis plusieurs années. Il s’avérerait que la moitié des jeunes ont du mal à comprendre des textes simples, ce qui est un enjeu crucial pour le bon fonctionnement de nos sociétés (démocratiques).
Ce n’est pas nouveau, depuis bien une décennie, les pays européens constatent que le niveau des élèves baisse. On ne parle pas d’analphabétisme mais plus d’illettrisme. Des millions d’enfants n’ont pas encore accès à l’école de part le monde, mais les privilégiés et ceux qui y ont accès n’assimilent plus les connaissances de base comme la lecture et sa bonne compréhension. Le reportage pointait sans surprise, le rôle des écrans mais aussi, le rôle de l’environnement de l’enfant.
De mes vagues souvenirs de cours de sociologie au lycée, des statistiques sortaient régulièrement sur le lien entre le niveau des élèves et la catégorie socioprofessionnelle qu’occupait les parents. Fille et fils d’ouvriers avaient généralement un niveau moins élevé en cours que les fils et filles d’instituteurs ou de cadres supérieurs. Je me souviens remplir des fiches tout au long de ma scolarité, en début d’année, sur la profession de mes parents : chômeurs. Les profs, devaient à l’époque, se faire déjà un avis sur le niveau des élèves rien qu’en lisant ces fiches. Mais les statistiques ne sont pas toujours bonnes à prendre… Mes parents étaient chômeurs de professions « cadres supérieurs », et la lecture était une habitude qu’ils m’avaient fait prendre tous les soirs, dès que j’avais été en l’âge de lire. Une histoire d’habitude peut-être, pas seulement de déterminisme social.
On ajoute aux facteurs définissant le niveau de lecture des élèves, l’entrée d’internet dans nos foyers depuis maintenant plus de 20 ans, puis des différents gadgets dont on ne peut plus se passer au quotidien (tablette, smartphone). Avez-vous remarqué depuis l’arrivée de ces outils dans nos vies, notre faculté à réfléchir par nous-même ou encore notre capacité de concentration ont fortement diminué ? La possibilité d’avoir toutes les informations possibles et inimaginables en deux trois clics, annihile tout simplement le processus de recherche, de lecture, de mémoire, et tout simplement la faculté de comprendre et critiquer notre monde. L’exemple du GPS est, je pense, un bon exemple : pour un même trajet, si l’on n’utilise pas de GPS, on risque de se perdre. Si l’on se perd une fois, on retrouvera son chemin les fois d’après. En revanche si l’on utilise le GPS pour ce trajet, on l’utilisera de nouveau pour les fois d’après car notre esprit n’aura pas assimilé le chemin, il aura juste été guidé par l’outil de navigation. Il en va, je pense, de même pour la lecture : si l’on ne recherche pas soi-même l’information et qu’un outil nous les donne sans efforts, alors notre esprit ne l’assimilera pas et à chaque fois que la question se reposera, il faudra rechercher de nouveau l’information. Et ce phénomène est vécu par l’ensemble de la population, donc toutes les catégories socioprofessionnelles confondues.
Enfin, on peut également rajouter un facteur non négligeable concernant la Suisse : 20% de sa population est d’origine étrangère, et elle monte à 40% dans le canton de Genève. Cela veut dire qu’à la maison, on parle une autre langue que la langue apprise et utilisée à l’école. Un certain fossé d’incompréhension peut alors se créer ainsi qu’un manque d’intérêt entre parent/enfant pour leurs activités respectives. En revanche, maîtriser plusieurs langues, plusieurs cultures, sera un atout réel dans le monde de demain pour ces enfants.
Mais ce qui m’a interpellé dans ce reportage, c’est l’intervention d’un adolescent qui expliquait que quand il lisait « il ne voyait rien ». C’est-à-dire que les mots lus ne lui déclenchaient aucune imagination, aucune émotion, et par conséquent aucune compréhension. Je ne suis pas une spécialiste et je n’ai pas d’enfant, mais pour pouvoir survivre dans notre monde ne faut-il pas savoir faire appel à notre imagination ? Pour comprendre et interpréter ce que nous lisons, que cela soit sur les réseaux, dans les journaux, dans la rue, ne faut-il pas des images qui se créent dans notre esprit pour agir ou réagir face à l’information ? Enfin pour pouvoir prendre des décisions au quotidien ou développer tout simplement un esprit critique, n’a-t-on pas besoin de faire appel à notre créativité, donc à notre imagination, où faisons-nous déjà toute confiance à Siri et ses copines Alexa et Bixby (toutes des voix de femmes, d’ailleurs, mais c’est un autre sujet), pour faire des choix ?
Le reportage concluait que c’était un enjeu majeur pour le bon fonctionnement de notre système démocratique, notamment celui de pouvoir être libre de voter avec un choix éclairé. Et c’est juste.
Dans un monde où l’information se fait de plus en plus courte pour s’adapter à notre niveau d’attention et de concentration, où elle disparait tout aussi vite qu’elle est apparue, ce qui engendre un manque de discernement, de mémoire de la part des populations, on observe actuellement des répétitions « simples » de l’Histoire : montée des partis extrémistes, recrudescence des guerres, de la haine, du racisme etc…
Lire amène l’imagination. Lire amène la discussion. Lire amène la justice. Lire amène la paix.
Même s’ils ne sont pas les seuls responsables, nos systèmes scolaires ont besoin de se renouveler et d’innover. Lire l’Assommoir de Zola n’est pas le truc le plus passionnant pour une initiation à la lecture en cours, mais peut être interdire les téléphones portables à l’école pourrait être un premier pas. La Suède elle, a par exemple, fait machine arrière cette année, en réintroduisant les manuels scolaires en cours en dépit d’un apprentissage numérique testé depuis plus de dix ans…
Comme toujours, des réflexions qui valent bien le coup de les lire.
Ma fille utilise une tablette à l’école au lieu des manuels scolaires depuis déjà 4 ans. Les seuls livres imprimés sont les œuvres fictifs qu’ils lisent. Je ne suis pas ravi, mais quant à elle-meme, elle est bien motivée et lit plein de choses au-delà des besoins de l’école. Pourtant, je sais que ce n’est pas habituel, et j’aimerais bien voir moins de technologie à l’école.
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Merci pour le commentaire et le partage 🙂 Je pense qu’il y a un juste milieux à avoir et que c est important de l’avoir dès le plus jeune âge… A bientôt !
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Merci pour ton article très intéressant.
J’ai lu quelque chose de similaire et en effet la journaliste disait que le vocabulaire des enfants d’aujourd’hui étant plus pauvre que par le passé, ils perdaient cette capacité d’imagination. Quand on ne sait pas ce qu’est la nature ou l’aventure, difficile de faire le lien avec ce que l’on lit.
D’où l’importance du langage, de l’échange…
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Tout a fait d’accord !
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Je suis bien d’accord que lire, dès le plus jeune âge, est important et nécessaire !
Lire, parler des livres, des textes, des mots, chercher dans le dico (papier, parce qu’on aime s’y perdre aussi), créer le dialogue, une discussion. Rien ne vaut mieux que ces échanges avec les parents, amis, famille.
Pour moi aussi, il faudrait réduire le temps sur les tablettes ou smartphones, en classe comme à la maison.
Les élèves perdent leur créativité, ne réfléchissent plus et ne savent plus lire correctement, ni comprendre ce qu’ils lisent. C’est aux parents de faire l’effort en premier !
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