Les impatientes, de Djaïli Amadou Amal

Cela fait quelques semaines que je me suis remise à lire, beaucoup. Beaucoup et de tout. Des essais, des romans, des livres pratiques etc. Je me suis mise à lire plusieurs livres en même temps, chose que je ne fais habituellement jamais, mais que je commence à maîtriser. C’est sûrement ce côté à m’éparpiller qui est en train de refaire surface chez moi. Bref.

Les impatientes de Djaïli Amadou Amal commençait à prendre la poussière sur ma bibliothèque car cela faisait quelques mois déjà que je l’avais acheté. Je pense que j’avais un peu peur de lire ce livre, de par le sujet inscrit sur la quatrième de couverture. Sujet parlant de mariages forcés, de polygamie et par conséquent de violences faites aux femmes. Des scènes qui, en général, peuvent s’inscrire longtemps dans mon imagination et qui me sont plus que désagréables. Dès que cela touche aux femmes et à leur intégrité mes poils se hérissent et je me sens physiquement mal. Cette puissante injustice que tant de femmes vivent me révolte et me fait ressentir un grand sentiment d’impuissance. Mais cela n’enlève en aucun cas mon intérêt pour leurs histoires, bien au contraire. Je ne peux juste pas les sauver…

Ce roman a reçu plusieurs prix dont celui du Goncourt des lycéens de 2020 et le Prix Orange du Livre en Afrique, mais surtout, il mérite que chacun.e d’entre nous le lise.

De quoi cela parle ?

Des destins de Ramla, Safira et Hindou, trois camerounaises issues de riches familles dont les destins s’entrelacent autour de leurs mariages qu’elles n’ont pas choisis. Ramla, la seule fille de sa fratrie ayant pu faire des études jusqu’au lycée, doit renoncer à son premier amour et à son envie de travailler pour se marier à un homme aussi vieux que son père et devenir la seconde femme de la concession de ce dernier. Safira, unique et seule femme de son époux pendant une vingtaine d’années doit faire face à l’arrivée d’une seconde femme, mineure, qu’elle doit chapeauter afin que règne paix et amour dans la concession. Hindou, quant à elle, est mariée de force à son cousin, dont elle connait les vices (et sa propre famille tout autant!), notamment ceux qu’il fait subir aux femmes. Chacune, à leur manière, va tout faire pour essayer de se libérer de sa condition. A elles trois, on leur répète sans cesse que la meilleure des vertus pour une femme est la patience et qu’elles doivent obéissance et soumission à leur époux et à leur famille car c’est avant tout la volonté d’Allah…

Pourquoi cette histoire interpelle ?

Je ne sais même pas par quoi commencer! A chaque page je me répétais. « Non, ce n’est pas possible que ces femmes puissent être coincées dans cet enfer sur Terre ! Et au nom de quoi ? D’une interprétation ancestrale et personnalisée du Coran pour que la domination masculine ne laisse aucune porte de sortie à aucune d’entre elles ? » Et bien apparemment, oui.

Tout le système de la polygamie est expliqué de l’intérieur : l’organisation, le choix des épouses, les rivalités, les jalousies, la vie quotidienne etc. Il y a une véritable hiérarchie entre les épouses et l’homme est le maître suprême de sa concession à qui elles doivent absolument tout faire pour le satisfaire à leurs dépens. Plus un homme a de femmes et d’enfants, plus il est considéré comme riche et influent.

Puis l’auteure nous décrit en détail et sans jugement, le poids de la tradition et de la religion musulmane au Cameroun. Au nom d’Allah, la femme n’est qu’un objet qui se doit de se taire, d’obéir et de satisfaire d’abord son père puis son époux et de faire des enfants. Elle n’a pas d’autre possibilité… Elle n’est pas libre, elle n’a pas droit à une éducation, un compte en banque ou à un travail contrairement aux hommes et doit obéissance et patience absolues peu importe ce que l’homme lui fait subir. Le viol est banalisé, ainsi que les violences conjugales, car elles sont « mariées ». Les envies et ambitions personnelles sont étouffées au nom du bien être et de la bonne organisation de la concession. Ces filles sont enlevées à leurs familles avant même leurs majorité, familles qui recherchent pour elles des époux riches qui pourront contribuer à leurs besoins matériels mais aucunement à leur intégrité physique, émotionnelle et morale.

Enfin, l’auteure nous amène dans la culture africaine pure : celle des envoûtements, des rituels du corps, des croyances et autres traditions familiales, qui nous, en tant qu’européens nous sont complètement inconnus voire représentent une culture africaine d’un autre temps. Mais ce sont ces mêmes africains qui prennent aussi des avions pour aller à Dubaï ou Paris les poches pleines de dirhams ou d’euros. Clivage total entre tradition et modernité.

Ce livre est donc tout simplement une véritable claque et une ode au féminisme à l’état pur!

Donc vous l’aurez compris, chères lectrices, si vous lisez ce livre, vous en ressortirez le ventre retourné mais avec une gratitude infinie envers votre propre vie de femme. Et pour vous chers lecteurs, je vous encourage également à lire ce livre afin d’avoir une idée de ce que peut être la vie des femmes d’un autre continent sous le joug d’une domination patriarcale (et religieuse) sans concession.

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