Les amitiés féminines

La semaine passée ma voisine de palier m’a envoyé un message concernant un courrier qu’elle avait reçu modifiant son loyer à la hausse. N’étant pas francophone, elle ne comprenait pas tout ce que contenait le courrier donc je lui ai proposé qu’elle passe à la maison le soir même pour que l’on puisse regarder ensemble.

Ce soir-là s’est vite transformé en apéritif improvisé, et après quelques verres de vin accompagnés de quelques morceaux de fromages, nous avons convenu d’un plan d’attaque pour donner une réponse à ce courrier qui était, pour moi, une hausse injustifiée de son loyer.

Ma voisine, qui est plus jeune que moi et venant d’une toute différente culture, je l’ai rencontrée pour la première fois il y a quelques mois, alors que cela fait bien trois années que nous partageons le même palier. En rentrant chez moi un soir, j’avais remarqué qu’elle avait laissé ses clés sur sa porte, j’ai donc sonné pour la prévenir et notre future amitié était lancée.

Cela faisait quelques semaines que nous n’avions pas pris de nouvelles ou de café ensemble donc nous nous sommes mises à jour. Nous avons notamment discuté de nos situations professionnelles et de nos relations personnelles. Elle a été alors inflexible sur un point: investir dans ses amitiés plus que dans toute autre relation amoureuse car elle savait que ses amies seraient toujours là pour elle, alors que les hommes dans le travail ou dans la vie perso, n’étaient pas du tout fiables (« reliable« ).

Elle n’a même pas 30 ans, et elle a déjà atteint le niveau de désintérêt dans lequel je suis aujourd’hui en termes de construction d’une relation durable, loyale, heureuse, avec un homme.

En lien avec ce sujet, j’ai lu dernièrement qu’il semblerait que dans un couple hétérosexuel, si l’homme tombe gravement malade, sa compagne aura tendance à rester pour s’occuper de lui, mais si dans le cas contraire c’est la femme qui tombe malade, l’homme aura tendance à fuir et à la quitter. Tandis que nos amies, elles… Eh bien elles répondraient présentes.

Elles nous feraient les courses. Elles prendraient de nos nouvelles régulièrement. Elles nous rendraient visite. Elles nous rendraient des services. Elles seraient présentes par tous les moyens possibles, car (et c’est une supposition personnelle) elles se mettraient à notre place et agiraient donc comme elles souhaiteraient qu’on agisse si c’était à elles que cela arriverait.

Histoire vraie: en 2019 et 2020, j’ai été très malade pendant de longs mois. Sans surprise, les visites, les appels téléphoniques, les aller-retour aux urgences, les médecins qui se sont occupées de moi, étaient toutes des femmes. Ce fût la période qui a mis en lumière les personnes sur lesquelles je pouvais compter: mes amitiés féminines.

Nos émotions nous lient. Nos expériences et notre regard sur la vie, également.

Les amitiés féminines, lorsqu’elles ne tournent pas autour de la comparaison ou de l’échange de ragots, sont de véritables bénédictions. Pourtant ce n’est pas chose facile d’avoir un entourage féminin bienveillant, car dès notre plus jeune âge nous sommes mises en compétition. C’est à qui a la plus belle robe, le nombre d’amoureux, les seins qui poussent en premier, l’arrivée des premières règles etc. Et cette liste imaginaire, mais bien intégrée dans nos cultures, est interminable. On ne nous lâche jamais la grappe… Donc forcément, nombreuses sont celles qui vont de leur commentaire par pure jalousie, ennui ou manque de confiance en elles-mêmes quand « la voisine » fait les choses un peu différemment. C’est dommage, car c’est ensemble que nous sommes plus fortes.

J’ai la chance d’être bien entourée amicalement. Cela a toujours été le cas, et c’est bien l’une des seules choses sûres qui m’accompagne depuis mes premiers pas à l’école et qui m’apporte un bonheur constant dans ma vie.

Encore le mois dernier, lors de mon anniversaire, j’ai pu réunir quelques amies pour fêter mon année supplémentaire. Elles ne se connaissaient pas toutes forcément avant, mais depuis quelques années elles viennent régulièrement partager mes victoires et mes célébrations (ainsi que mes peines), et vice versa. Elles créent désormais entre elles, des liens à leur tour.

Le jour J, j’ai aussi reçu de nombreux messages, de celles qui ne se trouvent plus forcément dans la région ou voire même dans le même fuseau horaire. Des amies rencontrées pendant mes études, au cours de voyages ou encore lors de mes précédentes expériences professionnelles. Les années passent, mais les amitiés restent.

Et les hommes? Peu d’amis m’ont écrit ce jour là, et deux anciennes relations l’ont fait mais pas le bon jour: un le lendemain et l’autre une semaine après. Ceci reflète justement la fiabilité dont parlait ma voisine.

Pourquoi je me fais cette réflexion aujourd’hui? Parce que de plus en plus, je vois et j’entends ce même discours d’investir dans ses amitiés plutôt que dans une utopie de couple parfait. Parce qu’autour de moi, je ne suis plus la seule à être célibataire désormais, et ce statut se multiplie depuis ces dernières années. Parce qu’en fait, cela fait depuis maintenant 20 ans que je suis indépendante financièrement, que je gère ma vie professionnelle et personnelle et que mes amies m’accompagnent à chaque étape, et certaines depuis le début. Elles sont une valeur sûre à mon bien être et à mon évolution. Bien entendu, certaines amitiés se terminent, on se trompe et cela fait partie de la vie. Ces « ruptures amicales » sont parfois plus dures à digérer qu’une rupture avec un partenaire. Le coeur chez moi, n’a jamais eu le monopole de l’amour romantique.

En tant que femme, la société nous a longtemps fait croire que notre bonheur devait résider dans le partage de sa vie avec un homme. Et le bonheur absolu serait apparemment de vivre avec un homme et donner naissance à ses enfants (on oublie très rapidement qu’après avoir eu le bonheur de les faire, il faut les élever). Longtemps angoissée par cet objectif que je n’arrivais pas à atteindre, eh bien, je vis bien mieux depuis que mon esprit a fait disparaître ce schéma finalement très patriarcal. Nous pouvons vivre très bien sans homme, quant à eux, comment vivent-ils sans une femme dans leur quotidien? Beaucoup moins bien, et le phénomène a été étudié: le mariage ne bénéficie pas à la femme (contrairement à l’homme) et les femmes célibataires sont la catégorie de la population la plus heureuse. True story.

Notre émancipation en tant que femme, via notamment, l’éducation, le travail et l’indépendance financière a été accompagnée par un terrible oubli: une adaptation de l’éducation des hommes pour pouvoir vivre avec des êtres possédant les mêmes droits mais aussi les mêmes besoins qu’eux.

Ma génération et les suivantes avons peut être plus conscience que les précédentes, des schémas que nous ne voulons pas reproduire. Si nos grands-mères restaient c’est qu’elles étaient coincées. Si nos mères restaient, c’est que la pression sociétale était trop forte sur elles pour partir.

Nous avons désormais le choix. Et si les hommes ne se décident pas à s’adapter bah… Tant pis!  Apparemment, en 2030 45% des femmes seront célibataires. Nous préfér(er)ons rester seules que mal accompagnées, contrairement à ce que Stromae nous chante dans Ma Meilleure Ennemie (« Plutôt qu’être seul, mieux vaut être mal accompagné »).

Dans tous les cas, nos amies sont de véritables investissements au bonheur, car l’espérance de vie étant toujours plus élevée chez la femme que chez l’homme peu importe où l’on habite, c’est avec elles que nous finirons nos vies.

Cultivons-les, ne les abandonnons pas pour quelqu’un qui ne sera que de passage dans nos vies, au risque de nous retrouver seule pour de bon.

7 commentaires sur “Les amitiés féminines

  1. Oui je pense qu’il y aurait de quoi faire un article, voir plusieurs…et tu pourrais parler de l’amour dans le couple aussi 😅

    Mon idée du moment est que pour former un bon couple, il ne faut pas avoir besoin l’un de l’autre. Tu vois, je crois que les problèmes surviennent quand on ne trouve plus chez l’autre ce dont on a besoin…alors mieux vaut ne pas avoir besoin de l’autre !

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  2. Un très bel article qui me parle beaucoup. Car mes amitiés sont mon socle, mes fondations depuis des années. On se dit tout, on partage tout. On sait qu’on est là pour les moments forts de nos vies, de joie, de peine. Et si ça demande de l’engagement comme toute relation, je trouve que c’est plus simple que le couple. Je dirai que l’amitié c’est presque plus inné, non?

    Enfin pour moi c’est une source de richesse et de grande satisfaction! Si j’ai foiré le reste, j’ai au moins réussi ça!

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