Nos modèles

Ces dernières semaines, à défaut d’avoir écrit, j’ai beaucoup lu. Et au milieu de deux, trois romans, je me suis mise à lire des essais. Essais sur la société, essais de journalistes, essais féministes. Et à plusieurs reprises, tout au long de mes lectures je me disais : « Ah mais oui, c’est ça ! Je comprends maintenant ! Merci, merci et MERCI ! » Et je me suis prise à rêver, qu’un jour, j’aimerai écrire comme elles (elles : Mona Chollet, Amanda Castillo, Titiou Lecoq, Asma Mhalla).

Dans cette liste, il n’y a que des femmes, et pourtant je lis aussi des romans et des essais d’hommes de temps en temps, cependant leurs écritures me marquent beaucoup moins.

Il y a deux semaines, je suis allée à Paris, au Festival du Livre. J’ai notamment suivi une conférence intitulée Féminismes au pluriel, à la Sorbonne-Nouvelle, donnée par des autrices : Gabrielle Boulianne-Tremblay, Martine Delvaux et Dominique Fortier.

J’ai été marquée par certaines de leurs réflexions comme le fait qu’à l’école, les listes de livres obligatoires à lire pour les élèves, « les classiques », ne sont écrits que par des hommes. Pourquoi ? Parce qu’à l’époque de Voltaire, Maupassant, Balzac, Emile Zola et autres « grands auteurs », les femmes n’avaient pas ce rôle (plutôt, n’avaient pas le droit d’écrire et de publier, ou d’être tout simplement artiste, créatrice). Elles étaient reléguées à faire des enfants et les tâches ménagères quand elles avaient « la chance » d’être mariées à défaut d’être religieuse ou prostituée.

Pourtant, si on cherche bien, quelques autrices (résistaient) existaient et utilisaient des ruses pour se faire publier : Amantine Aurore Lucile Dupin de Francueil pris le nom de plume d’un homme, George Sand; Virginia Woolf s’autopubliait avec l’aide de son mari… Ces femmes faisaient figure d’exception. Incroyable, non ? Comment la moitié de l’humanité était juste au service de l’autre pendant des siècles entiers ? Et comment, nous, élèves, avons lu, juste une infime partie de la pensée de ces époques, écrite seulement par des hommes. Personnellement, ces classiques, à part quelques noms qui me sont restés en mémoires, je n’ai absolument aucun souvenir de ce qu’ils contiennent.

De ce fait, lors de la conférence, les autrices ont mis en lumière, qu’un livre est féministe par le seul fait qu’il soit écrit par une femme, car en termes de genre, la vision du monde et l’écriture sont complètement différentes.  Gabrielle Boulianne-Tremblay, autrice trans, a vécu des deux côtés. Sa transformation en femme s’est faite à l’âge adulte et elle nous a partagé sa simple expérience de marcher dans la rue quand elle était un homme puis quand elle est devenue femme et par conséquent l’influence du genre sur son écriture. Elle a commencé par écrire en anglais, langue qui n’est justement pas « genrée »… Rare sont celles et ceux qui ont vécu des deux côtés des « deux genres » de notre humanité.

Bref, tout cela pour me rappeler que les premiers romans qui m’ont marqué ont été ceux écrits par des femmes que j’ai lus vers la fin de ma vingtaine. Je pense à Katherine Pancol, Virginie Despentes, Amanda Ngozi Adichi etc. Ma bibliothèque est désormais habitée par une majorité de femmes qui m’ont fait me sentir comprise et surtout moins seule. Elles savent mettre des mots sur des émotions, des situations qu’aucun homme n’arrivera à écrire, car ils ne vivront jamais les mêmes choses que nous, les femmes. Un peu simpliste comme explication, mais c’est à peu près cela. Leurs romans et essais m’ont fait prendre conscience de beaucoup de choses sur moi-même en tant que femme et sur notre société, et cela n’a pas de prix.

Elles sont devenues mes modèles.

N’adhérant à aucune religion, je porte mon admiration à ces êtres humains qui de par leur réflexion et leur valeurs inspirent et peuvent parfois me guider sur mon chemin de vie.

Petite, les murs de ma chambre étaient recouverts de mes chanteuses et actrices préférées. Cela avait commencé avec les Spice Girls, Christina Aguilera, Jennifer Lopez, Mariah Carey. Puis en milieu d’adolescence, fan de Friends, c’était Jennifer Aniston qui avait pris leurs places et des images de tous les pays que je voulais visiter mais aussi des photos de mes amis. Tous les jours, je voyais ainsi à qui je voulais ressembler, ce que je voulais faire de ma vie ou de qui je voulais être entourée. C’est drôle en y repensant, qu’il n’y avait pas de photos d’hommes, ou bien peut être si : une seule, à un moment donné, à la sortie de Titanic, celle de Léonardo DiCaprio…

J’aime à croire que nos modèles changent avec le temps qui passe et que nous avons enfin la chance, en tant que femmes aujourd’hui, d’être de plus en plus représentées dans la société et dans tous les domaines. Nous sommes loin de l’égalité mais les petites filles désormais, et du moins dans les sociétés occidentales, peuvent se dire : « Je veux devenir comme elle et cela semble possible, car elle l’a fait ! »

Imaginez donc, pendant des siècles, quels ont été les modèles pour les femmes, si elles étaient pour l’immense majorité enfermées à la maison ? L’horreur. L’hystérie était d’ailleurs une maladie que l’on pensait exclusivement féminine, mais cela vous étonne, vous? Ne pas avoir de vie à soi et passer son temps enfermée à faire des tâches ménagères et à être à la merci à tous les niveaux de l’homme avec qui l’on vivait sous le même toit (père, frère, époux, fils). De quoi devenir effectivement, DINGUE.

Celles qui résistaient étaient des Héroïnes, que les livres d’Histoire ont « tout simplement » oublié de mentionner.

De notre enfance à l’âge adulte, on passe de personnes à qui l’on veut ressembler physiquement à des personnes à qui l’on veut ressembler intellectuellement, moralement. Nous avons toutes et tous besoin de repères pour avancer, des modèles à qui l’on veut ressembler.

Plus qu’un modèle physique et/ou intellectuel, ces personnes mises sur des murs ou dont on consomme la pensée ou encore l’art, je ne les rencontrerai sûrement jamais dans la vraie vie. Et ce n’est pas un but en soi. Si, une dédicace sur un livre, quelques mots échangés lors d’événements me feront plaisir, mais cela changera rarement mon quotidien.

Cependant, j’ai la chance d’avoir des femmes et des hommes qui m’inspirent et que j’admire que je côtoie tous les jours ou presque. Ils et elles sont bien réels. Ils et elles sont bien humains. Ils et elles sont bien atteignables et palpables. Ils et elles sont ma véritable richesse.

Sans eux, je ne serai pas là où je suis aujourd’hui et je profite de cet article pour les remercier d’être depuis si longtemps dans ma vie, en espérant qu’ils et elles seront encore présents pour m’accompagner dans les nombreuses années à venir.

Et j’espère que vous aussi, vos véritables modèles se trouvent dans votre entourage proche. Si non, il est peut-être temps de changer de cercles d’ami(e)s ?

Bon dimanche, et à bientôt 😊

3 commentaires sur “Nos modèles

  1. Effectivement, je lis beaucoup d’auteures féminines, mais pas seulement, car j’aime la belle écriture qui est aussi masculine…
    Parmi les auteures féminines, il y a Kressmann Taylor (son éditeur lui a fait prendre un prénom masculin…à l’époque, une femme n’était pas censée écrire !). J’ai lu « Le journal de l’année du désastre » et « Inconnu à cette adresse »
    Deux romans que j’ai appréciés.
    Une autre auteure américaine contemporaine est Donna Tartt.
    J’ai lu « Le maître des illusions » et j’ai adoré « Le chardonneret ».
    Peut-être les connais-tu déjà ?
    Bonnes lectures et écritures 😉

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