Moitié de vie

Cela fait un moment que je n’ai pas publié sur ce site, ni écrit tout court d’ailleurs. Ces derniers mois j’avais le cœur et la tête ailleurs, ce qui est toujours un peu le cas aujourd’hui. Pas de grandes souffrances à mettre sur le papier, ni d’idées atypiques ou d’avis sur des sujets politiques. Je me suis rendue compte par la même occasion que l’adversité est clairement un moteur pour écrire, mais mes petites galères quotidiennes n’en valaient pas la peine.

Ne pas écrire ne signifie pas pour autant ne pas avoir d’interrogations.

Ces derniers mois je me retrouve face à des réflexions que j’aime à qualifier « d’adulte » ou de « moitié de vie ». 37 ans est un bel âge à considérer pour une moitié de vie. De toutes manières je ne compte pas finir centenaire…

Commençons par ce qui occupe une grande partie de notre temps: le travail.

Cela fait plus de 15 années que je travaille à temps plein, dans des secteurs d’activité différents et je me demande actuellement ce que je vais bien pouvoir faire les 30 prochaines années de ma vie?

Car soyons honnêtes, qui a vraiment envie de travailler 35-40h par semaine avec les avancées technologiques que nous connaissons (qui nous volent par la même occasion un peu de notre matière grise au passage) tout en sachant que les conditions de travail ne vont faire que se détériorer? Qui veut évoluer dans une entreprise où les chefs de départements ne sont pas forcément là grâce à leurs compétences mais grâce à des décisions politiques internes ou à leurs réseaux respectifs? Puis, que dis-je 30 ans? Le Danemark vient de voter l’âge de départ en retraite à 70 ans… On vise donc peut-être 35-40 ans? Je me dis qu’il faut viser un métier intéressant, évolutif, avec des gens sympas et qui paye bien pour…. Vivre bien. Serais-je en train d’espérer rencontrer une licorne?

Pour vivre bien, et qui représente le plus gros pôle de dépenses, se pose la question du logement.

Je suis actuellement locataire à Genève. Je suis aussi devenue suisse il y a quelques mois. Très contente après 12 années de permis de travail, je fais officiellement partie de cette nation et peux désormais voter mais aussi partir et revenir à ma guise pour de longues périodes. J’ai désormais la liberté de décider si je souhaite vivre ici, en France ou en Finlande sans souci de passeport ou autre autorisation de travail. Mais Genève est dans le top trois des villes les plus chères du monde…

Pour information les Suisses ne sont pas une nation de propriétaires. Leur système est très différent de la France ou de la Finlande. Pour la faire simple, si l’on souhaite devenir propriétaire ici, il faut mettre 20% du montant du bien sur la table, avoir un certain niveau de revenus pour obtenir un prêt et ne rembourser que les intérêts à la banque (ce qui représente moins qu’un loyer de locataire, donc intéressant). Le bien appartient à la banque, mais l’on obtient des réductions fiscales de part « l’endettement » provoqué par l’achat de propriété. Le bien peut être transmis de génération en génération. Et à Genève, le plus petit des appartements ne vaut pas loin de CHF 1 million (= EUR 1’080.000). Faites le calcul.

Donc en France voisine? Oui, plus abordable. Mais je dois aussi envisager d’acheter seule…

Et c’est là où le bât blesse. Et c’est là où ma condition de femme célibataire sans héritage patrimoniale m’est balancée en pleine figure. Il faut tout construire de zéro et seule dans un monde où la génération de nos parents (et de nos grands-parents) avait les moyens d’acheter seule ou à deux avec leurs simples salaires. Ce qui n’est désormais plus possible en 2025 et pas le cas pour moi, pour nous, la génération millennials.

Mes parents ont merdé – non ils ont eu des accidents de la vie à peu près à mon âge et ne s’en sont jamais remis – donc n’avaient rien à me transmettre vraiment à part des dettes pour l’un et un peu de cash pour l’autre. Le résultat reste le même, avec héritage ou sans héritage: la société est faite pour vivre au moins à deux si l’on souhaite vivre confortablement.

Le confort financier ou le poids d’une relation au quotidien qui ne rencontre pas mes standards? Standards que je trouve chez les femmes qui m’entourent (valeurs, loyauté, partage, communication, propreté…) mais qui se révèle être extrêmement difficile à trouver chez les hommes que je rencontre. Peut-être que je suis ici aussi à la recherche d’une licorne?

L’argent ne détermine pas le niveau de réussite d’une vie; c’est la qualité de nos relations qui le définit. Est-il possible d’obtenir les deux? L’argent ne fait pas le bonheur mais il facilite grandement la qualité et les conditions de nos vies. Comment en obtenir sans se soucier du lendemain?

Notre système économique, le capitalisme, est supposé mettre en valeur la méritocratie et le talent et donc nous faire gagner à tous et toutes beaucoup d’argent car nous sommes toutes et tous uniques et dotés de facultés rares et monétisables… Le développement personnel, cela vous parle? Vous savez ces tutos, ces bouquins, ces podcasts qui vous disent: « Notre société est parfaite, mais le problème c’est toi en tant qu’individu : voici les outils et les produits pour t’améliorer, te mettre en compétition avec les autres, et ne pas vouloir mettre fin à ta vie trop tôt ». Vous aussi vous commencez à voir des licornes? Ou peut-être que vous avez déjà avalé toutes ces couleuvres…

Ce qu’on oublie très vite dans les « success stories » c’est que celui ou celle qui souhaite entreprendre et qui s’essaye à l’exercice, a échoué plusieurs fois avant de réussir. Ces échecs ont été financés par du capital (de la famille ou de proches). Quant au talent de l’individu? Il n’existe pas. Le travail, le milieu dans lequel l’individu évolue ainsi que les moyens qu’il ou elle possède pour pratiquer son activité (artistique ou autre) contribuent grandement à l’obtention « de son talent ». Tout est intimement lié, et j’ai le regret de constater que les dés sont pipés pour une grande majorité d’entre nous.

Je suis salariée depuis que je suis en âge de travailler. C’est une manière de s’assurer une sécurité financière mais si le salaire disparaît?

J’ai publié un livre qui n’a pas fonctionné. Dois-je continuer à m’acharner à essayer d’être publiée, vue et reconnue sans avoir le réseau essentiel à la réussite d’une autrice?

Quant à la construction d’une entreprise, j’en rêve depuis des années. Mais je n’ai pas les moyens de me louper. C’est un essai et pas deux. Dois-je quand même essayer? Sur quel matelas vais-je bien pouvoir retomber si j’ai la malchance d’échouer?

Je sais pertinemment que toutes ces questions trouveront des réponses avec le temps, au gré des rencontres et des événements inhérents à la vie. Et en attendant que cette crise de la non quarantaine passe, je continue de vivre d’amour, d’amitié, de soleil, d’eau fraîche et de vin rouge (seulement en bonne compagnie), le temps d’être amenée à faire des choix concrets.

Car c’est en agissant qu’on avance, non? 😉

Et vous, vous en êtes où? En début, milieu ou fin de vie, quels sont vos questionnements du moment?

6 commentaires sur “Moitié de vie

  1. Je suis écœuré de lire que le livre n’a pas fonctionné. Je suis loin d’être grand influenceur à cet égard, mais je crois sincèrement à tout ce que j’ai dit à sa sortie, et il reste le cas que je n’ai jamais réussi à lire autant en français si vite de ma vie — mais je le trouve toujours le genre de livre que l’on ne peut pas mettre de côté une fois commencé !

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  2. Ton texte résonne beaucoup, merci pour cette mise à nu aussi juste que touchante.
    Ces réflexions dites « d’adulte » sont profondément humaines, et je crois qu’on est nombreux·ses à les partager sans toujours réussir à les formuler.
    L’équilibre entre sécurité, liberté, réalisation de soi… c’est un chemin flou, souvent solitaire, mais ton regard lucide et ta façon d’écrire le rendent moins pesant.
    Merci pour ça. Et je te souhaite de croiser une licorne, ou au moins un chemin doux.

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