Le développement personnel, nouvelle pépite du capitalisme

Suite à quelques échanges avec des amis ces dernières semaines, accompagnés de scrollings passifs sur les réseaux sociaux, ce matin je me suis réveillée fatiguée. Fatiguée de lire ou d’entendre ce que je dois faire au quotidien pour aller bien  : faire du sport, manger sainement, faire soi-même ses plats, acheter bio, mettre des barrières aux gens, passer du temps seule, passer du temps avec certaines personnes, demander une augmentation, démissionner, aller dans la nature, faire du yoga, de la méditation, aller en thérapie, développer une seconde source de revenu, investir en bourse, devenir propriétaire, recycler mes déchets… Et la liste n’en finit en fait, jamais. Et tout cela pour quoi ? Pour devenir une super humaine méga productive pour la société dans laquelle nous vivons ?

Alors je vous pose la question : devons-nous vraiment faire un travail constant sur nous même pour pouvoir s’adapter à la société malade dans laquelle nous sommes actuellement ? Est-ce que le problème vient de nous, individu, ou de la structure de la société ?

Pour rappeler plus précisément ce que signifie le développement personnel, Wikipédia nous dit que c’est un ensemble hétéroclite de pratiques, appartenant à divers courants de pensées, qui ont pour objectif l’amélioration de la connaissance de soi, la valorisation des talents et potentiels, l’amélioration de la qualité de vie, la réalisation de ses aspirations et de ses rêves.

Traduction : ensemble de techniques tournées vers l’individu seul et non la collectivité. C’est un peu notre nouvelle religion, à la différence que l’être supérieur sont les CEO des entreprises, et que l’on ne joue plus collectivement, mais individuellement.

Le capitalisme, quant à lui, est un système économique caractérisé par la propriété privée des moyens de production et la liberté de concurrence. Par extension, le terme peut également désigner l’organisation sociale induite par ce système ou un système fondé sur l’accumulation du capital productif fondé sur la recherche de profit.

Sans partir dans des explications sociologiques, mais pour expliquer l’origine de cette obsession du développement personnel dans nos sociétés occidentales, on trouve la pyramide de Maslow, sur laquelle nous sommes tous tombés au moins une fois. Elle décrit les besoins de l’être humain dans un ordre chronologique comme ceci :

  • Les besoins physiologiques
  • Les besoins de sécurité
  • Les besoins d’appartenance
  • Les besoins d’estime
  • Les besoins d’accomplissement

Donc une fois les premiers besoins atteints, on passe aux suivants : les besoins d’estime et d’accomplissement. Estime de soi sans forcément estime des autres, accomplissement de soi sans forcément l’accomplissement des autres.

Autour de ces besoins, il y a désormais toutes sortes de services à la personne qui se sont développés : coaching, thérapies, sports, mais aussi de produits : médicaments (pour dormir, pour diminuer l’anxiété, le stress, pour maigrir…), smartphones et autres gadgets technologiques. Et bien entendu, activités et produits seulement accessibles pour celles et ceux qui en ont les moyens.

Au niveau professionnel, en entreprise, pour nous faire oublier nos salaires, le manque de personnel, ou encore un management toxique, on va nous proposer des séances de yoga ou des formations pour être toujours plus performants. De nouveaux postes se développent comme les Chief Happiness Officer ou les personnes de confiance auxquelles nous pouvons parler de notre mal-être au travail.

Au niveau personnel, pour les célibataires, on va créer des applications de rencontres virtuelles, payantes pour obtenir de meilleurs résultats, sur lesquelles on nous promet de rencontrer notre futur partenaire. Car l’idéal à atteindre c’est être en couple. En revanche, en couple, on aura tendance à se séparer au nom du bonheur individuel, car l’autre ne fait pas le travail nécessaire sur lui-elle-même ou bien l’on ne se sent pas aimé comme on le souhaiterait, comme on devrait l’être. Quant à la famille, c’est souvent un éloignement physique qui s’accompagne de disputes et de dépassement de limites personnelles, d’incompréhensions mutuelles, pour se diriger vers un délitement familial progressif.

On en est là.

Ces pratiques de développement personnel ne prennent pas en compte le fait que nous sommes des êtres sociaux avec des émotions compliquées et des histoires complexes. Nous ne sommes pas des machines, même si l’on nous fait rentrer toujours de plus en plus dans des algorithmes. Nous rentrons dorénavant dans des cases desquelles nous devons sortir ou améliorer pour enfin, nous sentir heureux. Il y a cependant plusieurs failles : le bonheur ne peut être un état constant; le bonheur est différent pour chacun.e; nous avons besoin des uns et des autres pour survivre; les évènements que nous amènent la vie n’ont pas toujours une explication et nous n’en sommes pas forcément responsables. Allez expliquer à une femme victime de viols ou d’inceste qu’elle est la seule responsable de ce qui lui est arrivé et que si aujourd’hui elle se sent mal, c’est qu’elle ne fait pas les choses correctement pour se sentir mieux…

Mais, c’est là que c’est une pépite pour le capitalisme: nous sommes tous des êtres imparfaits qui avons besoin d’aide pour nous accomplir. N’ayant plus vraiment de besoins matériels à combler, le marché s’essoufflant en termes de vente de nouveaux produits, l’innovation majeure de notre siècle est de dire à l’individu que c’est lui le problème. Le marché est donc alors infini et par conséquent, l’enrichissement aussi auprès des entreprises vendant leurs produits et services dans ce secteur! Se tourner vers soi, pas vers les autres.

Pour autant, est-ce que nous nous sentons mieux dans cette course effrénée vers le bonheur personnel ? Est-ce qu’il ne serait pas temps de regarder ce qu’il se passe ailleurs que notre propre nombril ? Si l’on sortait de notre monde occidental et que l’on regardait en face qu’une grande partie des personnes sur cette planète n’arrivent même pas à atteindre le premier besoin de la pyramide de Maslow : celui de pouvoir se nourrir quotidiennement, que se passerait-il ? Pouvons-nous aider à changer cette situation ? La réponse est oui: le capitalisme en a les moyens, mais se serait le transformer en un nouveau système idéologique, plus humain et moins rentable.

Il semblerait que nous ayons atteint un confort de vie tel, que nous avons du temps à revendre pour réfléchir à nos vies. Ce n’est pas un mal, mais personnellement, être heureuse seule, ne fait pas sens. Et il semblerait que plus le temps passe, plus nous nous divisons et isolons des uns des autres, au nom de notre bien-être personnel. Cependant, face aux crises qui se succèdent et auxquelles nous devrons faire face, les seules solutions qui me semblent viables pour le plus grand nombre, devront être des réponses collectives, non?

4 commentaires sur “Le développement personnel, nouvelle pépite du capitalisme

  1. Perso, dès que l’on a quelque chose pour me vendre, je considère que son avis sur les biens concerne principalement les siens. Alors j’ai arrêté il y a longtemps de payer quel que ce soit : des applis, des livres, tout ce qui promet de régler ma vie.
    Suis-je plus heureux ? Je ne sais pas, mais ne plus payer Match, l’appli de rencontres la plus populaire aux États-Unis, me permet d’économiser 250 $/année. Elle ne m’a jamais rien apporté. L’autre côté du capitalisme, c’est si quelque chose ne sert à rien, personne ne va pas la payer. Les vendeurs peuvent me faire honte autant qu’ils le veulent, mais le porte-feuille reste fermé.

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  2. Salut, réflexion très intéressante que je partage également. Je « pratique » le développement personnel depuis plusieurs années moi aussi et j’ai bien ressenti cette pression et tout le business qui s’est créé autour. Je pense aussi que c’est un des travers du capitalisme et de la société en général, qui fait que dès qu’il y a un besoin, une demande, il y a quelqu’un de créatif qui s’en sert pour se faire de l’argent. Le dév perso est souvent vue comme un produit dopant pour être plus performant et plus compétitif, mais c’est simplement une manière de l’utiliser. Beaucoup l’utilisent également pour trouver du sens et rechercher un bien-être, mais il sont peut-être moins audibles que les grands gourous…

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